Chapitre 88 : Le sang de Charlemagne coulera dans la plaine

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Aélis

- Seigneur, protégez ces hommes qui se battent en votre nom ... pria Lothaire avec ferveur.

Les Normands ne se battaient pas en son nom mais je ne fis aucun commentaire. J'étais de toute façon incapable de dire quoi que ce soit. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, m'empêchant de respirer. Qu'avais-je fait ? Mes yeux cherchaient avec frénésie Màni sur le champ de bataille, mais comment pouvais-je l'apercevoir dans ce mur de bouclier ? Je les vis reculer de concert, semant des corps sur leur passage. C'était la stratégie mise en place par Robert et elle était brillante. Mes ennemis pensaient gagner du terrain et avançaient sans se méfier des francs qui les attendaient, cachés en embuscade dans la grande forêt qui bordait la plaine où les combats avaient lieu. 

Mes mains se crispèrent sur le pommeau de ma selle. Je ne voyais pas Màni, ni mon père, ni Ivar, ni Gyda ... Personne. Ce n'était qu'un bloc de boucliers infranchissable. Et même si tout se passait bien pour l'instant, je ne pouvais m'empêcher d'être nerveuse. Mon ventre se tordit de douleur. Ou était-ce de la nervosité ? Je n'aurais su le dire.

- Aélis ? Tout va bien ? me demanda ma mère à qui ma grimace n'échappa pas.

Robert et Lothaire tournèrent immédiatement leurs têtes vers moi.

- Je vais bien, les rassurai-je. Je suis seulement nerveuse.

- Ne vous en faites pas, me rassura le comte de Paris. Mes hommes ne devraient pas tarder à sonner la charge. Et nous écraserons vos ennemis, ma Dame, soyez en assurée.

Il paraissait si confiant ... Gagner et reprendre le Maine m'importaient bien sûr, mais pas au prix de la mort de mon nouvel époux. Je ne pourrais vivre sans lui ... J'ignorais cette douleur soudaine dans mon ventre et me concentrai sur la bataille qui se jouait juste en contrebas. Les Normands reculaient avec lenteur, tenant la charge. Les soldats du Maine exultaient, pensant obtenir la victoire.

Le seigneur Gauzlin dirigea alors son cheval vers moi et se fraya un passage entre ma monture et celle de Lothaire. Il inclina poliment la tête à mon encontre.

- Les hommes sont en place, ma Dame. Ils ne vont pas tarder à donner la charge.

- Bien.

- Nous allons l'emporter, dit Roger d'une voix haute comme pour se convaincre.

Peut-être mais ce qui m'inquiétait grandement, c'était que je ne voyais aucun homme semblant donner des ordres du côté de mes ennemis. Jean n'était pas sur le champ de bataille ? Où était-il ? Était-il resté au Mans ? Mon cheval s'ébroua, n'aimant guère la proximité soudaine de la monture de Gauzlin. Nix était couchée devant nous, observant la bataille, les oreilles dressées.

Soudain, un bruit de charge retentit et, comme convenu, les hommes du comte de Paris et des seigneurs du Maine sortirent de la forêt pour attaquer nos ennemis à revers. Un sourire de victoire s'afficha sur les lèvres de Robert. J'entendis les cris de terreur des soldats comprenant qu'ils n'en réchapperaient pas vivants. Le piège venait de se refermer avec violence sur eux. L'odeur suffocante du sang me prit au nez et je crus que j'allais vomir. Pourquoi me sentais-je aussi mal ? Avais-je mangé quelque chose de mauvais la veille ? 

Je pris une longue inspiration, calmant mes nausées. Ce n'était pas le moment de tomber malade. Le ciel se recouvra soudainement de nuages. La pluie n'était pas loin ... Puis, soudain, je vis une autre bande armée contourner le mur de boucliers normands et les attaquer à revers. Quoi ? Je me penchai plus en avant sur ma selle pour mieux voir. C'était impossible ... Ces hommes sortaient également des bois ... Qu'est-ce que cela voulait dire ?

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Where stories live. Discover now