Chapitre 27 : Une bête féroce

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Aélis

Je secouai la tête, chassant ces pensées de mon esprit. Je devais rester concentrée. Et ne pas me laisser distraire par les élans de mon cœur. J'avançai encore un peu plus, aux aguets. J'espérais seulement que les ennemis de Màni ne s'étaient pas lancés à notre poursuite. Mais pourquoi l'auraient-ils faits ? Ils ne savaient même pas que les deux frères avaient fait de la comtesse du Maine une otage. Ou le savaient-ils ? Inutile de me préoccuper de cela maintenant. 

Nous avions bien avancé vers le Nord, suivant la route menant à Paris. Nous ne nous étions enfoncées dans la forêt que pour nous abriter, le temps de se réchauffer un peu et de chercher à manger. Et je devais trouver de la nourriture. Soudain, un mouvement attira mon attention. Un lapin. Doucement, je bandai la corde de mon arc, encochant une flèche en silence. L'animal releva son petit nez et huma l'air. Je lâchai la corde et le tuai sur le coup. Je récupérai ma proie. Cela ferait l'affaire. Pour ce soir du moins. 

J'allais faire marche arrière quand j'entendis encore quelque chose approcher. Je me retournai doucement et vis un autre lapin. Il faut croire que c'était mon jour de chance ! Je repris un trait et visai de nouveau. J'avais longuement chassé quand j'étais enfant et, sans vouloir me vanter, j'étais une excellente tireuse. Je ne ratais que rarement ma cible. Et cette fois-ci ne fit pas exception.

Ayant trouvé suffisamment à manger pour Julienne et moi, je décidai de revenir vers le camp. Il me suffisait de suivre mes traces de pas dans la neige. La cape sombre de Màni glissait derrière moi, telle une ombre dans le crépuscule. Mais je ne pouvais que le remercier pour cette fourrure qui me tenait chaud. 

Soudain, j'entendis un gémissement plaintif sur ma droite. Je me figeai, fronçant les sourcils. Qu'est-ce que c'était ? J'attendis un court instant mais je n'entendis plus ce son. Je repris mon chemin, ne voulant pas faire attendre Julienne trop longtemps. Mais je n'eus pas fait un pas que le geignement revint. Cela ressemblait à celui d'un animal ... 

Je m'aventurai vers le bruit, curieuse. D'abord, je ne vis rien avant de remarquer que ce n'était plus de la neige devant moi mais bien de la fourrure. Deux billes noires me regardaient avec méfiance. Était-ce un louveteau ? Pourquoi était-il seul ? Où était sa mère ? Je remarquais alors qu'il était bien maigre. Il avait dû être abandonné car trop faible ... La dure loi de la nature. 

Le petit loup se recula d'un pas, me montrant les crocs. Mais il n'était guère impressionnant, même si je ne doutais pas qu'il puisse me faire du mal avec ses petites dents bien aiguisées. Je levai les mains devant moi.

- Rassure-toi, je ne veux pas te faire de mal.

Le louveteau ne sembla guère croire en mes paroles. Le pauvre avait la peau sur les os ... Depuis combien de temps essayait-il de survivre tout seul ? Je vis alors qu'il lorgnait avec appétit sur un de mes lapins. Je n'hésitais pas une seule seconde avant de m'en séparer d'un et de le lancer vers lui. Il semblait en avoir plus besoin que moi et Julienne. Le petit loup blanc se hâta vers sa « proie » et commença à arracher la chair avec gourmandise. Son pelage immaculé se tacha de sang alors qu'il reprenait des forces.

- Au revoir, petit. Et bonne chance.

Bien sûr, il ne me répondit pas, bien trop occupé à dévorer son lapin. Je revins rapidement vers le camp. Je vis avant même d'arriver les volutes de fumée qui s'élevaient au-dessus de la forêt. Julienne avait réussi à allumer un feu. Elle tourna son visage vers moi quand je sortis des bois. Sans un mot, je revins vers elle et m'assis sur le rocher où elle avait ramené du petit bois sec pour allumer un feu. J'ignorais comment elle avait réussi cet exploit mais c'était déjà mieux que rien. Je lui tendis le lapin qu'elle commença à dépecer à l'aide de son couteau. Tremblante, je tendis les mains vers le feu, cherchant un peu de chaleur.

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Where stories live. Discover now