Chapitre 62 : Évanouie dans la nuit

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Aélis

Nix s'avança près de moi et se coucha sur le sol en pierre, la queue posée sur le sol. Elle me lança un regard, se demandant sans doute ce que je faisais à genoux. Je pris une profonde inspiration avant de faire le signe de croix. Puis, je joignis mes mains devant moi.

- Je vous demande, dans votre grande sagesse, de protéger Lothaire à Paris et de lui ouvrir vos bras pour qu'il devienne ce qu'il a toujours voulu être, priai-je en francique.

La flamme de la chandelle que j'avais posée sur l'autel vacilla.

- Protégez-le et protégez aussi ceux qui me sont chers. Protégez Màni, Gyda et Ivar, même s'ils ne sont pas vos enfants. Protégez Rollon qui m'accueille en sa cité avec bienveillance, chuchotai-je.

Le silence régnait autour de Nix et moi.

- Protégez ma mère qui a été accueillie au sein de votre Paradis il y a déjà bien longtemps ...

Mes mains se joignirent avec encore plus de force.

- Et aidez-moi à trouver ma propre voie. Suis-je destinée à devenir la comtesse du Maine ? Que dois-je faire pour y parvenir ? Dois-je faire confiance aux francs qui viendront pour le baptême ? Faire confiance à mon cousin, le roi, ou au comte de Paris ?

Pourtant, une part de moi n'en avait aucune envie. J'avais peur des conséquences qui pourraient résulter d'une alliance avec un franc. Le comte Robert avait tout de même négocié que je sois dans son camp le jour où une révolte contre le pouvoir royal éclaterait ... Serais-je prête à trahir mon cousin ? À trahir mon sang ? Ne l'avais-je pas déjà vécu quand Judith avait décidé de me faire assassiner ?

- Aidez-moi ...

Soudain, j'entendis la porte de la cathédrale s'ouvrir. Nix se releva d'un bond et montra les crocs. Perplexe, je me redressai sur mes jambes et me retournai. Était-ce Màni ? Non, Nix ne serait pas autant sur la défensive dans ce cas-là. 

Une silhouette sombre et grande avança vers moi. Une silhouette féminine. Quand elle fut avancée dans la lueur de ma chandelle, je reconnus ses traits fins, sa bouche charnue, ses joues hautes, ses yeux noisette et sa longue chevelure châtain.

- Runa ? m'étonnai-je en norrois.

- Je pensais bien te trouver ici ... Dans ton église ...

Elle avait dit cela avec un ton si méprisant. Nix se calma quelque peu mais resta néanmoins entre moi et la normande.

- Qu'est-ce que tu fais là ? l'interrogeai-je, croisant mes bras sur ma robe d'un rouge sombre.

- Serait-ce de la rancœur que j'entends dans ta voix ?

Je ne répondis pas. Que me voulait-elle ?

- Tu connais la vérité, n'est-ce pas ? attaqua Runa.

Si elle parlait de Màni et elle, oui je le savais ...

- Je savais que Màni avait un passé, choisis-je de répondre.

Les hommes y étaient autorisés, même parmi les Francs. Alors que moi, j'y aurais perdu ma vertu et ma réputation ... Mais j'avais déjà péché en m'offrant à Màni. Je n'avais aucun regret. Il m'avait fait découvrir l'amour. Ce que Drogo n'avait jamais pu m'offrir.

- Alors tu sais qu'il aurait pu m'épouser ...

À quel jeu jouait-elle ?

- Mais il ne le voulait pas, répliquai-je, agacée.

- C'est ce qu'il t'a dit ? Pour te rassurer sans doute. Car Màni et moi partagions quelque chose de fort ... Nous avons découvert les plaisirs de l'amour ensemble. J'ai été sa première, vois-tu.

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt