Chapitre 35 : Le prix d'une alliance

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Aélis

- Seigneur, une armée vient vers nous. Une armée franque !

Rollon ne nous écoutait plus et sortit brusquement de la pièce, allant sans doute voir de quoi il retournait. Ni une, ni deux, je m'engageai à sa suite, curieuse aussi de voir qui était ces francs. Des hommes de mon cousin ? Ou d'un autre seigneur des environs ? Des alliés ? Et des ennemis ? J'entendis les autres nous emboîter le pas, oscillant sans doute entre curiosité et crainte.

Nous sortîmes de la grande bâtisse. L'ambiance de la ville n'était plus du tout la même. Les Normands couraient en tous sens, se préparant à l'attaque. Tous s'emparaient d'un bouclier, d'une épée ou d'une hache, prêts à défendre chèrement leurs vies. Et la cité. J'espérais ne pas en arriver là. J'avais déjà vécu malgré moi une bataille et je n'étais pas pressée de recommencer l'expérience. Mais alors pas du tout !

Les portes de la ville avaient été fermées et Rollon grimpa sur les remparts pour observer la plaine devant la cité. Je fis de même et vis enfin cette armée dont l'homme nous avait parlé. Plus de cent hommes c'était certain, peut-être deux cents, arrivaient vers nous, au lourd son des sabots des chevaux. Pourtant, ils n'avaient pas l'air de se préparer au combat. Seulement d'avancer. C'était impressionnant de voir tant d'hommes. Jamais je n'avais vu autant de soldats ! Était-ce mon cousin ? Qui d'autres pourraient avoir une si grande armée sous ses ordres ? 

Ils s'arrêtèrent soudainement, assez loin de la cité. On ne distinguait encore que des points à l'horizon. Puis, un cavalier se détacha de la masse informe dans le lointain et s'avança vers nous. Sans doute un messager. L'homme s'arrêta au bas de nos remparts.

- Je suis envoyé par mon maître, le comte Robert de Paris, déclama-t-il en francique. Mon maître ne veut pas la guerre mais demande seulement l'autorisation de passer.

Le comte de Paris ... C'était un grand noble du royaume et le frère de l'ancien roi, Eudes, si mes souvenirs étaient bons. Un homme puissant en somme. Très puissant ... Certains le pensaient même plus puissant que le roi de Francie. 

- Que dit-il ? me demanda Màni, apparaissant près de moi. 

- Ce sont les hommes du comte de Paris et ils demandent le droit de passage. Ils affirment ne pas vouloir d'une bataille.

Gyda hocha la tête pour confirmer mes dires, au cas où je déciderais de leur mentir.

- Où vous rendez-vous ? demanda Rollon en francique à son tour.

- Nous nous rendons dans le Maine, Seigneur, lui répondit le cavalier.

Dans le Maine ... Pourquoi le comte de Paris irait-il dans le Maine ? Drogo l'avait-il appelé pour l'aider à vaincre les Normands ? Ou était-ce des hommes envoyés par mon cousin pour me venir en aide ? Peut-être n'avait-il pas voulu payer la rançon mais qu'il n'était pas non plus resté inactif ... 

- Qu'allez-vous faire dans le Maine ? lui demandais-je sans attendre la réponse de Rollon.

- Porter secours à la Dame du Maine, ma Dame.

Ma bouche s'ouvrit sur un son qui n'en sortit pas alors que je me reculais de quelques pas, surprise. Màni fronça les sourcils et posa une main réconfortante sur mon épaule.

- Aélis ? Que se passe-t-il ? Que disent-ils ?

- Vous demandiez une armée providentielle ? dis-je alors. Eh bien, mon Dieu a entendu mes prières. La voilà mon armée.

Après avoir négocié avec le messager, lui apprenant que j'étais ici, le comte de Paris décida finalement de venir lui-même dans la ville pour négocier avec Rollon. Et surtout négocier avec moi. L'accord était simple. Si le jarl faisait du mal ou essayer de s'en prendre au comte de Paris, son armée de près de deux cents hommes fondrait sur la ville. Et Rollon savait qu'il ne pourrait pas l'emporter. Il n'était pas préparé. De toute façon, ces hommes se dirigeaient vers le Maine. Et grâce à un curieux hasard, c'était aussi l'endroit où je me rendais.

L'oiseau sans ailes (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant