41 - Endeavor

1.1K 109 17
                                    

Août - 1 mois plus tard 

Attendre devant ce grand bâtiment qui nous avait auparavant enfermés durant des mois avait quelque chose d'ironique. Comme si l'on s'auto-amenait à l'abattoir. Les interpellations des journalistes et les flashs de leur appareil photo rendaient la situation encore plus irréelle. Nous étions soudainement la source du plus grand évènement médiatique du mois, voire de l'année alors que personne ne se souciait de nous avant. 

Avant que l'on se révolte, avant que l'on sorte, avant que l'on continue de lutter. Ça avait du bon, puisqu'au fond c'était ce qu'on avait voulu, mais ça reflétait des réalités qui étaient à vomir. Je les détestais, je détestais ce moment, je détestais cette stupide idée de reconstitution quémandée par le tribunal. Je détestais sûrement aussi le fait que, quatre mois après ma sortie, je redoutais toujours ce lieu. La peur m'agrippait aux tripes. J'usais du moindre effort pour ne pas le montrer, pour respecter les autres mecs qui se contenaient aussi.

Comme Regan et Jake sur ma droite. On se tenait immobiles, tendus par l'angoisse. Le menton relevé dans un semblant de courage. On souhaitait, tous, sans doute bien paraître devant la foule curieuse et nos camarades. Ou peut-être que c'était nous-mêmes que l'on essayait le plus d'impressionner.

Nous étions plus d'une soixantaine, dispersés devant les grilles qui protégeaient le camp sur des kilomètres entiers. Il y avait de nombreux absents, ceux qui n'avaient pas été convoqués, ceux qui ne souhaitaient pas être impliqués davantage ou ceux qui ne s'en sentaient pas capables... Isaiah faisait partie de ce dernier groupe. Je savais qu'à cet instant, il regrettait de ne pas être venu mais c'était la meilleure décision. Il se remettait encore de sa rencontre avec son père et de tout son passé traumatique. Autant éviter de rouvrir des blessures.

– Qu'est-ce qu'ils foutent ? râla Regan qui n'avait pas lâché des yeux, le groupe d'adultes près du portail.

– Je sais pas mais, ponctua Jake, ça fait 35 minutes qu'on attend et j'en ai marre.

Des policiers discutaient avec la procureur d'État et des avocats depuis notre arrivée et ne nous avaient encore rien dit. Ils nous laissaient patienter, victimes d'un shooting photo improvisé. Les journalistes ne se lassaient pas. Ils étaient retenus à plus de 200 mètres de là par des barrières et des agents de sécurité qui n'hésitaient pas à hausser la voix au moindre abus de leur part. Les ignorer devenait de plus en plus difficile.

– Les gars, apparut Clayton, salut !

– T'arrives seulement maintenant, toi ? l'accusa presque Jake avec un rictus moqueur.

– Mon vieux s'est perdu sur la route !

On suivit du regard la direction pointée par son doigt pour découvrir, à quelques pas, un homme aussi géant que lui. Et très peu amène.

– Parce que tu connais pas le chemin ?

– Qui veut se souvenir de ce trajet ? maugréa-t-il. En plus, c'est les flics qui m'ont déposé ici quand je suis entré à Burket et j'avais dormi dans la bagnole !

Sa remarque eut le pouvoir de nous détendre.

Quand les policiers ouvrirent enfin la grille, il y eut un mouvement général qui trahissait notre impatience. Pourtant, on s'avançait à contrecœur. On y allait par devoir. J'étais prêt à parier qu'aucun de nous n'avait hâte d'entrer ; nous voulions uniquement en finir au plus vite.

Après avoir prouvé mon identité et montré ma convocation aux agents de police, j'eus tout juste le temps de saluer Chris qui me suivait de loin. La reconstitution était confidentielle ; les parents restaient dehors, c'était l'ordre donné.

His Cheerless WayWhere stories live. Discover now