6 - Equilibrium

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- Je comprends que tu appréhendes de le voir, continua ma psychiatre, mais je pense réellement que c'est bon pour ta thérapie. Bon pour toi mais aussi pour lui... Pour vos amis. Je sais que tu n'es plus en contact avec eux, d'autant plus depuis que tu es ici mais il ne faut pas tout couper. Ça ne fait que conserver la haine.

Je haussai les épaules, après tout c'était la meilleure des solutions. Ils n'avaient pas à me pardonner après ce qu'il s'était passé, ils avaient bien toutes les raisons de me détester. Je ne méritais que leur haine et la mienne envers moi-même alors il n'y avait rien à arranger, c'était stupide de croire que les choses pouvaient aller mieux. A la minute où Ayden me verrait, il s'empresserait de me démolir. Et personne autour ne l'arrêterait, conscients qu'il avait toutes les raisons de le faire.

- Leander, ce sont tes amis.

C'était. De plus, Ayden ne l'avait jamais vraiment été. Il m'avait toujours considéré comme un parasite qui entraînait sa sœur dans le désespoir ; je n'avais fait qu'approuver ses idées le mois dernier. En pensant à Nora, je me demandais s'il y avait des chances qu'elle soit là ce Vendredi... Ça ne m'encourageait pas à y aller. L'affronter elle et son frère, ou encore ses frères, non non très peu pour moi. Mais il était évident qu'il ne serait pas tout seul, je me demandais seulement quelles seraient les personnes présentes. Et est-ce qu'Ayden était au courant de ma venue ? Peut-être déciderait-il de m'éviter ? Toutes ces questions me trottaient en tête, m'éloignant du discours de Mme Jenson qui avait l'air bien décidée à me rassurer. Elle ne comprenait pas, elle ne pouvait comprendre, elle ne faisait que présumer. Au fond de moi, je savais comment les choses allaient se passer car même si plusieurs scénarios se présentaient à moi, aucun ne finissait bien.


***


J'avais envisagé que mon entrée dans l'équipe de rugby n'inciteraient que davantage certains à me critiquer. Et je ne m'étais pas trompé, les remarques censées être des insultes débutèrent au petit-déjeuner et continuèrent pendant les premiers heures de la journée. Ce jour-là était un peu spéciale car les cours avaient été remplacées par des dites « conférences d'éducation », des stupides moments qui ne servaient qu'à nous faire un lavage de cerveau. Tout le camp était rassemblé dans le réfectoire, nous regardions des témoignages de personnes - souvent masculines qui avaient eu un passé difficile et qui expliquaient comment ils s'en étaient finalement sortis. Et quelques fois lors de ces conférences, on avait le droit à la venue d'une célébrité qui nous racontait sa vie à son tour. Des sportifs qui avaient plongé dans la drogue, la violence et toutes les merdes qui suivaient puis qui finissaient par connaître une sorte de rédemption et qui fondaient une vie meilleure. Je trouvais cela complètement inutile car écouter la vie des autres ne m'aidait pas spécialement. De plus, je ne croyais pas au miracle. Tous les efforts du monde ne permettaient pas de changer notre nature.

Ces moments là, qui se passaient une fois par mois, se présentaient comme une deuxième sieste pour ma part. Normalement. Sans compter les connards qui avaient décidés de m'emmerder ce jour-là. Ils se trouvaient dans la rangée derrière moi et profitaient de chaque moment d'inattention des coordinateurs pour lancer des trucs, taper dans ma chaise et m'insulter de tous les noms. Parmi eux, il y avait bien évidemment Regan ; j'usais bien de toutes mes forces pour me retenir de me retourner et de défoncer sa sale gueule. Le regard du Sergent Blondie vissé sur moi m'aidait aussi à me contenir, j'étais conscient qu'au moindre geste il se réjouirait de pouvoir m'en punir. Alors, je fis le sourd en plus d'être muet ce qui me permit de tenir deux bonnes heures.

- Hollington, je me demandais : est-ce que tu jouis aussi en silence ? me demanda-t-on soudainement sans que je ne réagisse.

Je sentais tout de même que mes nerfs n'allaient pas tarder à lâcher si celui qui me tapait n'arrêtait pas dans les secondes suivantes. Mais son pied, en rythme, continuait de cogner brutalement le bas de mon dos. Je fermai les yeux, serrai mes genoux de mes mains moites et respirai fortement pour tenter de contenir ma haine. Quand je rouvris mes paupières, je constatai que le regard de Jeff n'était que plus insistant sur moi comme s'il sentait que j'allais déraper. Finalement, à force de m'observer peut-être commençait-il à comprendre comment je fonctionnais : je finissais toujours par craquer, céder à la colère. Je n'étais pas si fort en fait, je ne faisais pas le poids face aux émotions qui me submergeaient.

His Cheerless WayWhere stories live. Discover now