12 - Failure

4.3K 334 84
                                    


Petit rappel : Isaiah a confié qu'il soupçonnait les coordinateurs de droguer les jeunes du centre. Il a alors voulu que Leander demande de l'aide à sa psychiatre et celui-ci s'apprête à le faire. 

Les passages entre  ~  ~ sont des flashbacks.

_______________________________________________



Après avoir attrapé un papier à toute vitesse - pour ne pas hésiter plus longtemps - je retournai m'asseoir face à Mme Jenson. Ses yeux auparavant animés de peur étaient maintenant ahuris. Elle s'empressa de me donner un stylo, avec un mi-sourire encourageant. Une fois que je l'eus en mains, je me mis tout de suite à trembler. J'essayais de l'ignorer, de ne fixer que le papier, de ne pas prendre en compte la chaleur qui venait de m'envahir... Je me persuadai que c'était utile, que ce n'était pas pour m'aider seulement moi, mais tous les autres gars de ce camp.

Je soufflai une dernière fois et resserrai le stylo entre mes doigts.


Ma main continuait de trembler contre le papier, provoquant un petit bruit agaçant. Je repensai aux paroles de Isaiah, presque une supplication. Je devais les aider, je devais tous nous aider. C'était pour la bonne cause. C'était voulu. Mais le simple fait d'y penser ne parvenait pas à me convaincre. Mes émotions étaient trop fortes, tellement plus fortes que moi, elles me submergeaient et finiraient par gagner. J'avais perdu d'avance. Je serrai de plus en plus le crayon de papier alors que des souvenirs me comprimaient le cœur.




~ Je terminai d'écrire sur le morceau de papier qu'une camarade de classe m'avait fait parvenir puis m'apprêtai à le faire passer, quand une main brutale me le prit des mains. Je relevai les yeux et croisai ceux de Jack, toujours lui. Celui qui faisait tout pour me mener la vie dure. Après ses coups et ses insultes balancés, il pensait sans doute qu'à cause de lui, je pleurais chaque soir dans mon lit. Mais ce n'était pas le cas. J'étais en colère, certes, mais pas triste car je ne pouvais répondre à aucune de ses provocations sans prendre le risque de passer en conseil et de retourner en véritable enfer, les centres de redressement. Alors tous les jours, face à lui, je faisais ce que je savais faire de mieux : me taire et encaisser.

- L'autiste envoie des petits mots ? rigola-t-il avec ses trois amis.

Ignorant les remarques du surveillant qui lui demandait de retourner s'asseoir, le tyran déplia le bout de papier. Il éclata alors de rire alors qu'il n'y était pourtant pas marqué grand chose. Cette fille, Emma, me demandait seulement si on pouvait se voir après cette heure de colle - sans préciser que c'était pour notre devoir en commun. Et je lui avais répondu que l'on pouvait aller chez moi, ce qui évidemment prêtait à confusion et ça ne leur échappa pas.

- Hollingfiotte veut se taper une fille ! s'écria Jack.

Toutes les personnes présentes dans la salle éclatèrent de rire, hormis Emma qui se contenta de baisser la tête. Je n'osais imaginer ce à quoi elle pensait maintenant. S'ils savaient... Elle était le dernier de mes soucis et très loin d'être dans mon centre d'intérêt. Mais je me foutais de me défendre. Je les laissai rigoler et crier comme des porcs agonisants, sous les réprimandes du surveillant.

- Qui a écrit ce mot ? Avec qui tu parles ? Qui accepterait de traîner avec toi, tout seul, sale taré ?

Je secouai la tête puis tentai de continuer mes devoirs sans me soucier de lui. Ses mots ne me touchaient plus, ils n'avaient plus d'effet sur mon humeur. J'avais tout intériorisé, tout assimilé au plus profond de moi-même, alors ses paroles ne me paraissaient plus comme des méchancetés mais comme des vérités. Et comme une chose n'arrivait jamais seule, j'étais persuadé de mériter tout cela. Mes parents étaient morts à cause de moi, je me devais de le regretter chaque jour.

His Cheerless WayWhere stories live. Discover now