His Cheerless Way

9 - Undeserved Life

Posé sur mon matelas, j'étais encore en train de réfléchir à la manière dont je pourrais signer mon entrée dans la mystérieuse aile Z quand la porte de ma chambre s'ouvrit. J'avais bien un quart d'heure de retard pour les douches, un coordinateur venait sans doute me chercher. Néanmoins cette hypothèse disparut lorsque je vis apparaître la tête d'une toute autre personne.

Ma victime et mon agresseur à la fois, le mec aux doigts de pied cassés ou Matthew peu importait réellement la manière dont je le désignais. Il était là et j'étais bien curieux d'apprendre pourquoi.

- J'peux te parler rapidement ? quémanda-t-il d'une voix ferme.

Je me redressai, sur mes gardes dorénavant, mais lui fit tout de même signe de venir. Il franchit le pas de la porte avec son corps maigrichon, son pied plâtré et sa démarche ridicule. On avait certainement jugé dangereux de le laisser avec une béquille alors il devait se débrouiller comme il pouvait et je trouvais ça hilarant ! J'étais satisfait d'être celui qui lui causait autant de peine. Que venait-il chercher à présent ? Je savais que l'on disait « deux sans trois » mais il ne fallait pas être con non plus.

Il resta debout, face à moi, et baissa les yeux pour les planter dans les miens avec assurance. Aucun défi dans son regard, seulement de la franchise.

- Le couteau qu'on a trouvé sous ton lit... C'était pas contre toi, commença-t-il avec monotonie comme s'il avait appris un texte. C'était pour toi... Ça devait être mieux caché mais ça a été posé sous la précipitation. Regan ne s'en réjouit pas trop mais il est réglo alors il te fait savoir qu'il t'en doit une. Si jamais t'as besoin...

Je fronçai les sourcils en assimilant cette information. Cela me semblait trop beau pour être vrai. Regan alias le mec qui semblait me détester autant que Sergent Blondie m'avait offert un cadeau - semblable à un drapeau blanc ici, soit la fin des hostilités. Alors c'était tout ? Je pétais le pied de son pote et ça lui suffisait ? Matthew, qui voyait que je doutais de tout cela, insista :

- Les mecs rusés comme toi, il préfère les avoir à ses côtés plutôt que dans son dos. Il avoue t'avoir sous-estimé... J'imagine qu'il ne faut pas t'avoir comme ennemi.

Il ricana faussement et désigna son pied d'un regard furtif. Il sortit ensuite de ma chambre sans rien dire de plus. Venait-il de m'avouer qu'un semblant de peur avait motivé le geste de Regan ? Il avait voulu me donner un coup de pouce avec ce couteau mais comme c'était tombé à l'eau, il insistait pour se racheter ? Je trouvais ça suspicieux et je comprenais encore moins pourquoi il envoyait celui que j'avais tapé pour m'expliquer tout cela. Preuve d'honnêteté ? Ou piège ? Je n'allais pas lui accorder ma totale confiance toutefois une partie de moi confirmait le fait que Regan était du genre à attaquer directement et non à envisager des plans tordus comme moi je le faisais. Lui attaquait sans réfléchir, en face à face, avec des insultes ou des coups tandis que moi j'attaquais discrètement pour toucher là où ça faisait mal. Alors peut-être ne devrais-je pas autant me méfier.

Mon esprit continuait de cogiter le long du chemin vers les douches et même une fois que je fus sous le jet d'eau froide. J'entendais les mecs crier comme des sauvages et rire comme des porcs en dehors des cabines et ça ne m'aidait pas vraiment à plonger dans mes pensées. On ne pouvait jamais être tranquille dans ce putain de centre. Je me séchais à peine, enfilai mon vieux jogging et mon t-shirt délavé avant de sortir sous le regard étrange des derniers mecs qui attendaient leur tour.

- Ils font chier, putain ! grogna Isaiah posté devant les miroirs.

Sans cesser de frotter ma serviette contre mes cheveux, je me rapprochai de lui. Il semblait tracassé et faisait le tour des quelques lavabos, regardant au-dessus et en dessous à la recherche de quelque chose.