28 - Blossom

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La musique à fond dans mes oreilles n'était malheureusement pas suffisante pour couvrir mes pensées. Le soleil s'était levé depuis plusieurs heures ; Garrett et Bille aussi. Moi je tentais de me reposer, fatigué par l'énième nuit blanche que je venais de traverser. Je m'étais endormi plusieurs fois mais ça n'avait pas duré car je sentais une présence contre moi. Une présence malsaine. Je me réveillais en sursaut, pensant que j'étais encore sous l'emprise du coordinateur obsédé. Je me sentais mal, dégoûté, je voulais exploser. Je le sentais encore se frotter contre moi et je regrettais de ne pas avoir pu l'étouffer cette nuit-là. J'aurais au moins été jugé pour un crime qui en valait la peine. C'était à cause de monstre de ce genre que la vie de beaucoup de jeunes était brisée, chaque jour, chaque minute, chaque seconde... J'avais eu la chance d'être sauvé à temps mais ça n'était pas le cas de tous. Combien en avait souffert à Burket, spécifiquement dans l'aile Z ?! En tout cas, il y en avait si j'interprétais bien les mots de l'inspecteur à qui je m'étais confié. Et ça me filait la gerbe. Plus encore, ça légitimait ma colère.

Mon portable vibra entre mes mains, suite au message d'Ayden. Durant la nuit, je lui avais envoyé ma réponse concernant le "plan Isaiah". Du moins, je ne lui avais envoyé qu'un simple « c'est OK ». Ce à quoi il venait de me répondre : « T'as de la chance que je sois un gars plutôt fin d'esprit sinon j'aurais été paumé, M. Le Bavard ». Je me surpris à sourire en le lisant. Il avait toujours la réplique juste, même face à moi qui ne disait rien. Le semblant de joie fût chassé par de l'effroi quand un énorme vacarme brisa le calme de la maison. Comme un objet lourd qui venait de s'échouer à terre.

- Qu'est-ce que c'est ? s'écria Garrett.

Je me redressai en comprenant que ça devait être Billie. L'inquiétude me fit lever et sortir de ma chambre à toute vitesse tandis que mon frère déboulait également dans le couloir. Il me bouscula afin de rejoindre l'endroit d'où était parvenu le bruit, soit vers sa chambre. Puisque celle-ci était fermée, il se dirigea aussitôt vers la porte de sa salle restée entrouverte. C'était son atelier ou son bureau où il stockait et travaillait sur ses maquettes d'architecture. Il n'aimait pas qu'on y traîne pour éviter tout accident et cet interdit avait évidemment attiré ma petite soeur. Les yeux de Garrett s'agrandirent lorsqu'il constata l'ampleur des dégâts. J'avançai à mon tour et vis une Billie déjà larmoyante devant deux maquettes réduites en miettes. Elles étaient auparavant surélevées sur des socles et jonchaient alors, entremêlées, au sol.

Mon frère gardait la mâchoire contractée quand il fit un pas en avant, écrasant davantage le tas. J'avais l'impression qu'il se contenait pour ne pas être méchant avec notre petite soeur ; il la traitait toujours comme un bijou précieux. Mais aussi, il avait l'air d'être vraiment touché. Elle avait détruit des journées de travail, des heures d'investissement. Chacune de ses maquettes avait son importance qu'elle soit faite pour un projet scolaire ou pour son simple plaisir.

- Je suis désolée, bafouilla Billie. Je voulais pas, je regardais juste mais...

- J'veux pas t'entendre.

- J'ai pas fait exprès, je te jure.

- Putain mais c'est pas vrai, hurla-t-il tout à coup. Ferme-là ! Combien de fois je t'ai dit de ne rien toucher ?! De ne rien effleurer ?! De ne même pas entrer sans ma présence ?! Tu sais les heures que j'ai passé à faire ça, l'argent que j'ai dépensé ?! Non, tu veux toujours en faire qu'à ta tête et t'as tout bousillé, t'es fière de toi j'imagine.

Elle se mit à pleurer comme à chaque fois qu'elle était en tort et qu'elle le réalisait. C'était sa manière de se faire pardonner et de rappeler aussi que ce n'était qu'une enfant. Et dans des moments conflictuels, elle avait tendance à agir comme une enfant de 4 ans. Souvent, ça marchait avec Garrett mais pas cette fois. Ça l'agaça plutôt.

His Cheerless WayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant