Chapitre 7 - 2 : Images et reflets (Roy)

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Riza Hawkeye et moi ?

À cette idée, j'ouvris de grands yeux, avant d'éclater de rire.

— Jamais de la vie ! Je tiens à vivre vieux !

— Oh, fit le grand brun d'un ton déçu. Je croyais que... vous aviez... vous étiez...

— Jamais de la vie ! Il n'y a jamais rien eu entre nous et il n'y aura jamais rien. C'est juste une collègue que j'estime beaucoup.

Je bus quelques gorgées en me retenant de pouffer de rire de nouveau.

— D'où vous vient cette idée absurde ? demandai-je moqueur.

— Il paraît que vous passez beaucoup de temps ensemble ces derniers temps, alors...

— Ah, non, je vois ce qui s'est passé... j'ai demandé au lieutenant Hawkeye de me donner des leçons de tir, afin d'améliorer mes compétences sur le terrain. C'est de loin la plus talentueuse de mon équipe dans ce domaine, il n'y a rien d'autre à comprendre. Je ne me permettrais pas d'espérer autre chose de sa part, je n'en ai même pas envie.

— Pourtant elle est sacrément canon.

Je jetai un coup d'œil courroucé à l'homme qui avait dit ces mots. Je n'aimais pas vraiment l'entendre réduire Hawkeye à ça alors que je connaissais ses compétences hors du commun. Il dut le sentir et n'insista pas.

— Mais dans ce cas, c'est quoi votre genre de femme ? demanda Kramer, curieux. Vous préférez les brunes peut-être ?

— Ou les rousses ?

Un souvenir m'effleura sans que j'accepte d'y penser vraiment. Je ne voulais pas y repenser.

— Peu importe, répondis-je en haussant les épaules.

Ils me regardèrent, surpris que je n'affiche pas de goûts particuliers en la matière.

— Vous tombez amoureux d'une couleur de cheveux, vous ? Il faut être sacrément superficiel, commentai-je en posant devant moi la coupelle contenant mon île flottante.

— Vu comme ça... mais alors, qu'est-ce qui vous fait craquer chez une femme ?

— Hum... comment dire ? Son harmonie, sa richesse...

— Oh vous êtes vénal alors !?

— Mais non abruti ! m'exclamai-je dans une bouffée d'agacement. La richesse intérieure !

— Oh.

— La finesse d'un sourire, un regard pétillant, la douceur d'une voix qui trouve les bons mots... ce genre de choses, vous voyez. Le moment où on entr'aperçoit la complexité d'une personne sans pouvoir la saisir. C'est ça qui est fascinant.

— Doooonc, vous tombez amoureux des femmes compliquées, tenta de traduire le militaire aux dents de cheval.

— Non, je ne tombe pas amoureux, répondis-je un peu sèchement.

Plus maintenant.

Kayn baissa le nez, n'osant plus vraiment me poser de questions. Il ne savait pas que le sujet était délicat, et visiblement, il n'était le genre de personne qui avait la qualité d'être subtil. Je me radoucis un peu, conscient que j'étais sans doute difficile à comprendre. Après tout, ils ne savaient rien de ce que j'avais vécu. Je préférais, au fond, je n'aimais pas qu'on me connaisse trop bien.

— Disons que je ne suis pas un sentimental, et je ne veux pas donner de faux espoirs... même comme ça, je crois qu'il y en a encore qui me voient comme un bon parti. J'aime trop mon indépendance et ma liberté pour avoir une relation sérieuse avec qui que ce soit, tout simplement.

— La liberté... comme pouvoir traîner en slip chez soi ? tenta prudemment Kayn.

J'eus un petit rire et hochai la tête.

— ... Par exemple, oui.

Les deux amis, célibataires endurcis, commencèrent à lister les avantages de leur situation pour se remonter le moral mutuellement, sans entamer le moins du monde l'impatience de Kramer à l'idée de se marier. La fin du repas se déroula entre anecdotes et rires, et quand je revins au bureau, j'eus le sentiment d'avoir eu une petite récréation pour la première fois depuis longtemps.

En poussant la porte de mon bureau, toutefois, la réalité des jours passés me revint brutalement à l'esprit. Les événements passés n'avaient rien de réjouissant.

Le 7 octobre, Hawkeye m'avait parlé de l'affaire Byers, le sergent sous ses ordres qui avait abusé de Hayles, une subordonnée de Kramer. L'affaire était restée dans un coin de ma tête. Nous avions fait remonter le dossier à nos supérieurs, mais les autres événements avaient poussé la hiérarchie à mettre de côté ce qui, à leurs yeux, était un simple détail. L'idée me révoltait, mais j'étais tristement peu surpris par leur réaction. J'attendais d'en savoir plus sur la sanction prévue, même si je devais avouer que c'était loin d'être ma plus grosse préoccupation.

Je pensais bien plus au 13 octobre, la dernière fois où Edward m'avait donné de ses nouvelles avant de disparaître de la circulation pour échapper à l'armée. L'absence d'échos de sa part m'avait laissé mort d'inquiétude, d'autant plus que le séjour de King Bradley s'était prolongé de manière inquiétante. La faute revenait aux survivants du Devil's Nest, sans doute à l'origine du groupuscule qui avait mené plusieurs attaques depuis pour désorganiser l'armer dans le Sud du pays. Je regrettais un peu d'avoir informé Edward de l'affaire, quand je voyais les conséquences qu'avaient eues ses actions sur l'armée. Pourtant, je savais qu'au fond, c'était sans doute la bonne décision. Ils ne s'opposaient pas simplement à l'armée, mais aussi au Homonculus qui se tapissaient dans l'ombre, et qui sait si à terme, ils ne pourraient pas devenir nos alliés ?

King Bradley avait mené l'enquête au QG de Dublith et fait rechercher activement Edward, et les évadés, en vain dans tous les cas. La situation avait dû lui déplaire fortement, mais quand Fisher avait commencé à nous informer de l'ampleur des plans du Front de Libération de l'Est, le généralissime n'avait pas eu d'autre choix que de rentrer pour s'impliquer dans les décisions cruciales qui se profilaient. 

Avant, je me serais senti soulagé de son retour, méfiant de voir Juliet Douglas aux commandes, mais Edward avait eu le temps de me faire part de ses soupçons, et je me méfiais tout autant de lui, sinon plus. Je me gardais bien de le montrer, puisque je ne pouvais rien faire. En attendant de pouvoir s'attaquer aux Homonculus, il fallait déjà protéger le pays. Il avait finalement appuyé ma stratégie, qui était de sacrifier l'usine pour ne pas éveiller les soupçons et pouvoir riposter et attaquer le réseau dans son ensemble lors du coup d'État à venir.

Le premier novembre, j'avais subi un nouveau coup dur à la mort de Mary Fisher, alors que nous commencions à marquer les contours de cette zone d'ombre qu'elle s'était entêtée à dissimuler.

Le 10 novembre, il y a une semaine de cela, l'usine Maxwett avait été pillée par le Front de libération, qui l'avait ensuite fait exploser après leur départ. La principale source d'armement et d'équipement d'East-City avait été mise à sac. 

Nous savions que cela allait arriver, et nous l'avions laissé faire. Elle produisait un matériel connu pour sa qualité, fournissait toute la région, et quelquefois Central-City. L'attaque avait fait une quinzaine de morts, et le fait de savoir que je n'avais pas pris la décision seul n'empêchait pas mes entrailles de se tordre à chaque fois que j'y pensais.

Nous étions le 23 novembre, et dans moins d'une semaine, le Front de l'Est allait lancer son attaque la plus ambitieuse depuis la naissance du mouvement. Que nous soyons prêts ou non, mercredi prochain, il y aurait un coup d'état de grande ampleur au QG Est. 

À cette idée, j'étais terriblement nerveux, oscillant entre la tentation d'étudier toujours plus les cartes de la ville et de lire les notes tirées des mises sur écoute pour connaître le sujet sur le bout des doigts, traquant la moindre faille pour pouvoir planifier en conséquence, et la conscience qu'il faudrait être correctement reposé pour prendre les décisions importantes le jour J. Parce que je le savais, des gens allaient mourir ce jour-là. Mon but était qu'il y en ait le moins possible, mais il y en aurait toujours trop.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesOnde histórias criam vida. Descubra agora