Chapitre 2 - 3 : Pluie d'automne

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La cloche de la tour de l'horloge résonna, me faisant sursauter. Revenant au présent, je réalisai que j'étais restée silencieuse un long moment, plantée sur le trottoir à fixer Hayles tandis qu'elle chahutait avec Black Hayatte. Je me sentis terriblement gênée et profitai de mon sursaut pour détourner le regard.

— Il est déjà sept heures, fis-je d'un ton distant. Il faut que je me dépêche de ramener Black Hayatte, je devrais déjà être au QG.

— Oh, oui ! De mon côté je voulais aller m'entraîner un peu au tir avant d'aller travailler. Je vais y aller.

— Bonne journée.

— Vous aussi.

Nous nous séparâmes abruptement, elle allant au Quartier Général, moi rebroussant chemin vers l'appartement. Il fallait encore que je me change avant d'aller au bureau où une longue journée m'attendait. Je rentrai à pas hâtifs, Black Hayatte trottinant joyeusement à mes côtés, me changeai et ressortis aussitôt après, non sans avoir distribué quelques caresses.

En ressortant, je remontai mon col pour me protéger. Le vent se levait, et étant donné la couleur du ciel, il n'allait pas tarder à pleuvoir. J'espérais juste avoir le temps d'arriver aux bureaux avant que cela arrive.

L'automne était bien là, avec ses ciels encombrés de nuages, les bourrasques humides, les jours de plus en plus courts et les arbres qui se déplumaient. Je traversai le boulevard étrangement vide, entendant le crissement des feuilles mortes que le vent raclait contre le bitume, et poussai un soupir.

Je n'aimais pas l'automne en ville. On ne voyait que la grisaille des bâtiments, et si, pendant mon enfance, le jaunissement des arbres s'associait aux noisettes, champignons, châtaignes et autres récoltes de saison, ici, cela signifiait juste un ciel lourd comme un couvercle, des nuits interminables, de la pluie et des rues ternes.

De lourdes gouttes commencèrent à s'abattre, et je poussai un soupir en me hâtant davantage. Je n'allais manifestement pas y échapper. J'aurais dû prendre mon parapluie, mais je l'avais oublié en partant, et je n'avais plus le temps de faire demi-tour.

Je le savais, du travail m'attendait. L'arrestation de Mary Fisher avait porté ses fruits. À présent, il était temps d'agir en conséquence. Nous savions quelle était la prochaine opération prévue des terroristes, et nous n'avions qu'un seul but, contrecarrer leurs plans avant de les mettre à terre. Cette idée m'amena un frisson d'inquiétude mêlée d'excitation : depuis des années que ce réseau existait, l'idée de pouvoir enfin participer à son démantèlement me grisait un peu.

Arrivant au Quartier Général alors que la pluie se muait en déluge, je bondis dans le hall avant de m'ébrouer, puis recoiffai ma frange, et traversai le couloir pour arriver au bureau. Je trouvai Havoc, qui se redressa en me voyant, l'œil brillant d'espoir.

— Bonjour Hawkeye !

— Bonjour Havoc, vous êtes seul ?

— Oui, Mustang est arrivé, mais il est parti directement à la bibliothèque pour les dossiers.

— Le rapport d'Edward n'a toujours pas été retrouvé ?

— On le saura quand il reviendra.

Je hochai la tête. Mary Fisher avait réussi à semer le chaos avant d'être arrêtée, détruisant le catalogue et une partie des fiches, mélangeant des dossiers, en détruisant certains. L'armée en avait été profondément désorganisée, et tout le processus administratif ralenti. 

Personne ne savait si les documents avaient disparu ou avaient simplement été rangés en dépit du bon sens. Certains d'entre eux avaient été caviardés d'autres passés au broyeur, et depuis des semaines, les bibliothécaires étaient submergées de travail, entre les dossiers qui devaient être traités et stockés, ceux qu'elles devaient ressortir pour différentes affaires, et le catalogue qu'elles devaient reconstituer à partir d'une montagne de document dont le système de classement avait été détruit. Je n'aurais pas aimé être à leur place.

Ce désordre ne nous aidait pas dans notre enquête contre le Front de libération de l'Est. Aussi, en attendant que la bibliothèque retrouve son organisation originelle, nous gardions à portée de main tous les documents concernant notre affaire. Le résultat était que nous avions littéralement des piles de dossiers un peu partout dans la pièce, ce qui demandait de se déplacer avec précaution pour ne pas tout mettre par terre et perdre du temps à remettre le tout en ordre. 

Beaucoup de données récentes s'étaient empilées grâce aux aveux de Fisher, et nous savions que nous étions en bonne voie, même s'il nous aurait fallu aussi d'anciens documents pour pouvoir recouper et compléter les informations. Malgré tout, nous ne désespérions pas de voir nos recherches aboutir. Le pourcentage de documents triés augmentait de jour en jour, et tôt ou tard, les choses seraient rentrées dans l'ordre.

— Dites-moi, fit le grand blond avec l'air nerveux de celui qui s'apprête à évoquer un secret de manière peu discrète.

— Oui ?

— Comment va votre cousine ?

Je souris.

— Bien, je suppose, mais je n'ai pas eu de nouvelle d'elle depuis la dernière fois où nous en avons parlé.

— Oh.

— Elle aussi est assez occupée, elle ne peut pas forcément écrire tous les jours, fis-je avec un sourire rassurant.

— Vous pensez qu'elle reviendra à Central ?

Je souris tristement ; bien sûr, j'aurais apprécié que ce soit le cas, mais je ne pouvais pas le jurer. Les choses étaient tout de même assez compliquées.

— Ce n'est pas impossible... mais pour l'instant elle n'en a pas vraiment parlé.

— Helloooo ! s'exclama Breda en poussant la porte avec un large sourire. Ah, Havoc, déjà levé ? Tu es devenu un sacré lève-tôt ces derniers temps.

— Il faut bien, vu le travail qu'on a sur le Front de l'Est, répondit le grand blond en riant, un peu gêné.

Le regard du rouquin bedonnant alla de son collège à moi, puis revint vers Havoc tandis que son sourire s'élargissait. Le militaire était visiblement convaincu d'avoir compris quelque chose.

— Ouais, tu as trouvé une motivation, avoue !

Je levai les yeux au ciel tandis que le rouge éclata sur les joues du grand blond. Voilà qu'à peine arrivé, Breda jouait les commères. L'idée était absurde, mais ma foi, s'il devait répandre des potins dans le QG, cette rumeur, si déplaisante qu'elle soit, serait toujours moins nocive que la vérité.

— Breda, non, ce n'est pas ce que tu crois ! Je suis pas du tout intéressé ! s'exclama Havoc, avant de réaliser ce qu'il venait de dire et de rougir davantage. Enfin, Lieutenant, je... vous êtes jolie, hein, mais... Je suis pas intéressé, enfin, vous savez, hein ? Euh, je m'enfonce, là ?

Breda éclata de rire en le regardant se couvrir de ridicule en essayant de se justifier, pendant que je le toisais, imperturbable. J'avais l'impression de voir à l'œil nu la boule se nouer dans sa gorge. Il allait en entendre parler au réfectoire ce midi, je pouvais en être sûre. Et, étant donné qu'il ne pouvait pas parler de la véritable raison pour laquelle il restait volontiers seul avec moi, il allait avoir de grosses difficultés à se débarrasser des suppositions de Breda. 

Quand Falman entra à son tour, il vit Havoc, le visage enfoui dans les mains, immobile et tellement désespéré qu'il avait fini par arrêter d'essayer de parler.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesWhere stories live. Discover now