Chapitre 1 - 2 : En suspens (Winry)

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La seule vraie rébellion de notre part avait eu lieu quelques jours après leur fuite. J'étais partie chercher le courrier, le militaire m'emboîtant le pas malgré mon regard noir, et j'avais dû, selon le rituel habituel, ouvrir la boîte aux lettres et laisser l'homme feuilleter le courrier. Entre deux enveloppes de factures et des prospectus sans importance, mon regard tomba sur une carte postale. Quand le soldat la prit, j'entrevis au dos la photo de trois enfants assis sur une barrière, et mon cœur bondit, avec la certitude instantanée et absolue que c'était Edward qui nous l'avait envoyée.

L'homme me tendit le courrier, à l'exception de cette fameuse carte. Je plantai dans son regard des yeux assassins. Pour un peu, j'aurai jeté par terre le reste du courrier, qui n'avait aucune importance.

— Donnez-moi cette lettre.

— C'est une pièce à conviction.

— C'est notre courrier.

L'homme écarta le carton de moi avec une expression méfiante, comme s'il sentait à quel point j'avais envie de me ruer sur lui pour le lui arracher des mains.

— Je ne peux pas me permettre de prendre cette décision, je dois en référer à mes supérieurs. Ce sont eux qui jugeront si ce courrier peut vous être remis.

— Quoi ?!

Mes yeux se plissèrent sous le coup d'une colère intense, et, tout militaire qu'il était, il sembla avoir peur de moi. Il faut dire que j'étais très tentée de lui casser la gueule pour ce qu'il venait de dire, mais il ne fallait pas... je ne ferai qu'empirer la situation. Nous étions en prison... et la seule libération possible était pour bonne conduite.

Je poussai un soupir tremblant et desserrai les mâchoires à contrecœur.

— Est-ce que vous pouvez au moins me la montrer ? Juste me la montrer.

Ça m'arrachait la bouche de devoir le supplier, mais, étant dans l'incertitude que nous pourrions la récupérer un jour, je me disais que la seule solution était d'espérer lire son contenu. Au moins ça. Que, s'il y avait un message de sa part, il nous arrive à destination. Voyant que je m'étais un peu radoucie, l'homme hésita, baissa les yeux vers l'objet, se mordit les lèvres, se demandant visiblement ce qu'il devait faire.

— S'il vous plaît ?

Mon regard suppliant sembla l'emporter, et il hocha la tête, avant de me montrer le dos de la carte postale. Je reconnus l'écriture rigide d'Edward, qui avait écrit nom et adresse à droite. À gauche, là où la plupart des gens se battaient pour faire rentrer tout ce qu'ils avaient à dire dans un espace décidément trop petit, se tenait un seul mot, écrit tout en majuscule.

PARDON.

Rien d'autre.

Des larmes me montèrent aux yeux sous le coup de la déception. Je me rendis compte que j'espérais plus, quelques mots rassurants, un message codé, une marche à suivre, n'importe quoi. Mais tout ce qu'il avait envoyé, mis à part un signe qu'il était en vie, c'était un mot, un seul. Pardon.

Le militaire reprit la carte pour la soustraire à mon regard, comme pris en faute. En voyant mon expression dévastée, il se radoucit un peu.

— Je tâcherai de les convaincre de rendre la lettre, une fois qu'ils auront vérifié qu'il n'y a pas d'information cachée. Je ne pense pas qu'ils y verront d'objection.

Je hochai la tête, trop vidée pour réagir davantage.

— Je suis désolé, murmura-t-il. Vous, vous n'avez rien fait pour mériter ça.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesWhere stories live. Discover now