Chapitre 5 - 5 : Le col du loup hurlant (Steelblue)

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Les jours suivants, il continua de tomber des trombes d'eau. Samina tomba malade, ce qui était à craindre après avoir passé des heures à errer à flanc de montagne sous une pluie battante. Si je sortais à l'occasion pour prendre des nouvelles au village, et que Rayn, l'adolescent de la bande, trouvait encore le courage de sortir braver le mauvais temps pour récolter à manger, nous passions le plus clair de notre temps à nous terrer dans la grotte à l'air insalubre, et la promiscuité faisait monter les tensions. Je sentais que les conflits couvaient.

Aussi, je finis par m'habiller aussi chaudement que possible pour quitter l'ambiance viciée de la grotte et chercher une solution, n'importe laquelle. La veille, j'étais passé chez Meyer, qui discutait avec d'autres villageois de la conduite à tenir. La pluie n'avait pas cessé, et le chemin habituel restait impraticable. Tant que le temps ne serait pas plus clément, il serait impossible de passer par là. Certains parlaient de passer par le col du loup hurlant, idée rejetée par d'autres, effrayés à l'idée d'être attaqués. Mais avec l'enfermement supplémentaire qu'imposait la voie condamnée, l'inquiétude commençait à monter dans le village. 

La perspective de perdre leur contrat avec l'usine, faute de les fournir correctement, et les denrées qui se raréfiaient, tout cela motivait de plus en plus de gens à considérer le col du Loup Hurlant comme un chemin valable. Après tout, ils n'avaient pas vu les brigands depuis un moment, et avec le temps infâme que nous avions, peut-être qu'ils ne seraient même pas attaqués ? Et puis, ils avaient des fusils pour se défendre, et certains étaient bons tireurs... La colère montait contre l'injustice que représentaient ces criminels que l'armée n'inquiétait pas le moins du monde. Face à cet abandon et à la situation qui devenait progressivement critique, il était logique que certains veuillent prendre les armes.

J'avais écouté les conversations d'une oreille discrète, tout aussi attentif aux informations diffusées par la radio. Le journal n'arrivait plus depuis l'accident, mais l'éboulement de terrain n'avait pas coupé les ondes, et j'avais appris avec un certain effroi l'attaque du passage Floriane qui avait eu lieu plusieurs jours auparavant. C'était une mauvaise nouvelle pour la stabilité du pays, et plus égoïstement, j'étais d'autant plus inquiet que c'était l'équipe de Mustang qui avait contenu l'attaque. Comment allaient-ils ? Je n'avais aucun moyen de le savoir, et cette idée me nouait le ventre.

Bien sûr, je ne pouvais pas en parler aux Ishbals. Mon attachement pour des militaires était tout sauf bienvenu dans un peuple qu'ils avaient presque complètement exterminé. Alors j'avais décidé de prendre l'air pour être seul avec mes pensées, errant dans les rues désertées du village malgré la pluie. J'avais recroisé la gamine de l'autre fois, cette môme avec des tresses et des yeux d'un noir de jais, et qui me fuyait dès qu'elle me croisait. Mes pas me menèrent jusqu'à un auvent où s'étaient abrités deux gamins qui, manifestement, étaient en pleine bêtise, car ils se précipitèrent pour dissimuler quelque chose dans leur dos. Je les regardai avec un sourire, pas dupe pour un sou, et m'agenouillai pour me mettre à leur hauteur.

— Je sens que vous êtes en train de faire quelque chose que vous n'avez pas le droit de faire, commentai-je, moqueur.

— Je... non m'sieur !

— C'est lui qu'a eu l'idée ! s'exclama le gamin.

— Terry ! s'indigna l'autre en rougissant violemment.

— Qu'est-ce que vous fichiez ?

Ils auraient pu mentir, s'enfuir ou désobéir, mais je leur avais posé la question d'un ton tellement serein qu'ils ne purent s'empêcher d'avouer. Les deux sortirent de leur poche du papier et de la poudre. Ils étaient manifestement en train d'essayer de fabriquer des pétards pour tuer l'ennui. Je secouai la tête. C'était vaguement dangereux, mais j'aurais pu craindre bien pire.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesWhere stories live. Discover now