Chapitre 6 - 6 : Colocataires (Roxane)

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— Bienvenue !

Je lançai le même sourire machinal que lorsque je travaillais à l'Angel's Chest, et refermai la porte derrière le couple qui venait d'entrer avant que le vent ne glace la pièce et fasse rouler les feuilles mortes à l'intérieur. Ils s'ébrouèrent, sourirent en retour, et je les guidai vers une table à la nappe blanche impeccablement repassée, les laissai s'asseoir le temps de leur rapporter les cartes que je leur tendis, avant de me retourner vers une autre personne qui m'avait fait signe. Je m'approchai à pas rapides, avec une petite pensée pour Lacosta, le sol en miroir et les talons amortis d'un patin dangereusement glissant. Ici, au moins, je pouvais me déplacer sans risquer de me vautrer au sol, et personne ne me reluquait désagréablement. Enfin... presque personne. Il y avait quand même eu un ou deux clients inélégants.

— Excusez-moi, on a demandé une carafe d'eau à votre collègue, je crois qu'elle nous a oubliés, commenta celui qui devait être un père de famille.

— Oh, je suis désolée, je vous en rapporte une tout de suite, fis-je avec une petite courbette machinale.

Des couples, des familles, des sœurs sorties faire du lèche-vitrine... Mon travail était le même, mais l'ambiance dans laquelle il se déroulait était bien différente. Je me faufilai en cuisine pour aller chercher un broc d'eau et apostrophai Angie au passage.

— Tu as oublié la famille table quatorze, soufflai-je.

— Merde, lâcha-t-elle spontanément.

— Tiens, amène-leur la carafe et vérifie qu'ils ne veulent rien d'autre, en en profitant pour t'excuser, ordonnai-je en lui fourrant l'objet dans les mains.

Elle fut un peu désarçonnée, mais fila sans attendre, sentant bien que si j'étais autoritaire avec elle, ce n'était pas par plaisir de l'humilier, mais au contraire pour lui éviter des ennuis. Elle n'avait pas mon expérience et elle avait quelques défaillances, la plus notable étant sa maladresse avec les clients. Rien de très grave, et ça tenait le plus souvent à pas grand-chose, sourire un peu plus, être davantage aux petits soins, et surveiller son langage et le ton de sa voix pour rester polie en toutes circonstances... Autant de choses qui n'avaient jamais été inculquées à Edward Elric, et dont son pendant féminin manquait cruellement aujourd'hui.

Je n'étais pas la seule à l'avoir remarqué, la patronne aussi. Elle avait mouché Angie de quelques remarques bien senties à propos de ses approximations et j'avais dû calmer le jeu en faisant admettre ses erreurs à mon amie. Son plus gros vice était de vouloir se rebiffer quand on critiquait son travail ou sa manière d'être, ce qui était la dernière chose à faire si on ne voulait pas perdre son salaire et que c'était notre supérieur direct qui nous parlait. Mais ça, du peu que j'avais entendu de son passé dans l'Armée, il n'avait jamais eu trop à s'en faire. Malheureusement, il le payait aujourd'hui. J'espérais que son caractère impétueux n'allait pas poser problème.

Je revins au couple pour noter qu'ils commandaient deux thés du moment et des pâtisseries, puis me dirigeai vers les cuisines, quand un homme sans âge, attablé seul, me fit signe alors que je passai à côté de lui.

— Je suis assoiffé, fit-il en posant son chapeau, dévoilant un catogan de cheveux blond foncé. Est-ce que vous pourriez m'amener un verre d'eau en même temps que la carte, s'il vous plaît ?

— Bien sûr !

Une fois la porte poussée, je croisai Angie qui m'adressa un sourire soulagé.

— Merci de m'avoir coachée. Du coup, je leur ai aussi redonné du sucre pour leur fille, ils ont eu l'air contents.

— Tu vois, tu n'as plus qu'à en faire un réflexe, fis-je en lui tapotant l'épaule.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesWhere stories live. Discover now