Chapitre 2 - 6 : Pluie d'automne (Riza)

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La fin de journée fut dense, avec l'arrestation de Hewitt, qui, une fois qu'il avait compris qu'il était démasqué, se montra très agressif. Il avoua sans trop de peine, insultant les supérieurs et l'armée tout entière, fou de rage que Fisher n'ait pas été exécutée de manière lente et douloureuse. Mustang le laissa cracher sa rage, jetant un œil au secrétaire qui notait son discours, peinant à suivre le flot des insultes qu'il vomissait.

— Peu importe le mal qu'a fait Mary Fisher par le passé, lança Mustang d'une voix calme, elle était sous contrôle et représentait une source d'information essentielle. Vous avez fait entrave à l'enquête pour des raisons personnelles, et nous avons perdu des informations qui pouvaient nous permettre de sauver des innocents. Votre acte stupide coûtera peut-être des vies et je vous promets que vous allez le payer cher.

Le prisonnier se tut à ces mots. Que pouvait-il répondre ? Les mots du grand brun relevaient du bon sens.

— Assez joué, ajouta-t-il. Vous me le mettez en salle d'interrogatoire, qu'on le fasse parler pour voir l'étendue des dégâts qu'il a provoqués.

Havoc et moi hochâmes la tête et quittâmes la pièce en escortant l'homme menotté qui pestait et grinçait des dents. Je jetai un coup d'œil à Mustang, qui referma la porte derrière nous. Si son visage était imperturbable, sa main tremblait de colère sur la poignée. Notre tueur se débattit vainement, mais un regard sévère d'Havoc le dissuada d'insister. Finalement, il ne fut pas très difficile de l'escorter jusqu'à la salle d'interrogatoire où il fut installé de force sur sa chaise. Je hélai une personne dans le couloir afin de faire venir l'un des secrétaires afin de démarrer un nouvel interrogatoire sans attendre. Il arriva rapidement, son café encore à la main, visiblement tiré de sa pause. Quelques minutes plus tard, Mustang arriva à son tour. Il tâchait d'avoir l'air calme, mais pour l'avoir vu ces derniers temps, je me disais qu'il était dans l'intérêt de Hewitt de faire profil bas, au risque de voir exploser sa colère.

Le Colonel s'attabla face à lui, s'étira les doigts d'un geste lent en le regardant dans les yeux. C'était grossier comme méthode, mais cela suffit à mettre mal à l'aise le militaire assis en face.

— Lieutenant Hawkeye, je pense que Havoc suffira pour me couvrir, fit-il sans quitter sa proie des yeux. Il est déjà tard, j'apprécierais que vous vous acquittiez de la tâche que je vous ai confiée.

Je hochai la tête et quittai la pièce en fermant la porte derrière moi. Il était presque dix-huit heures, si je voulais aller à l'ancien domicile de Mary Fisher aujourd'hui, il fallait que je me parte rapidement. Je repassai au bureau chercher mes affaires, n'y trouvai que Fuery qui me salua avec sa bonhomie habituelle, puis repartis.

Une pluie dense m'accueillit à la sortie du hall, et je poussai un soupir avant de remonter mon col, regrettant de nouveau d'avoir oublié de prendre un parapluie. Après une bouffée d'inspiration, je me lançai, traversant d'un pas vif la cour sablonnée qui menait à la sortie.

J'en avais pour vingt minutes à sentir l'eau tremper mes cheveux et couler dans ma nuque, et, malheureusement pour moi, il n'y avait pas de ligne de transports en commun pratique pour rejoindre la vieille ville. Je pestai contre Mustang et ses requêtes qui risquaient de me faire tomber malade. Ne fallait-il pas que je sois une subordonnée dévouée pour traverser la ville sous la pluie, dans la lumière sale des réverbères, en quête d'un potentiel indice qui nous amènerait une piste sur la nébuleuse que Mary Fisher n'avait pas dévoilée avant sa mort ?

Était-ce un élément que nous ignorions à propos du Front de libération de l'Est ? Ou, comme il le semblait, quelque chose qui touchait un réseau mafieux ? Y avait-il un rapport avec l'affaire Lacosta ? Que cachait donc son passé ? Je me posais ce genre de questions pour me distraire de la pluie qui collait ma mèche à mon front et gouttait de mon nez.

Quel temps de chien, quand même !

J'espérais presque ne rien trouver, pour pouvoir rentrer rapidement chez moi me mettre au sec. Le caractère irritable de Mustang ne me donnait pas envie de lui rendre service... dans ces moments-là, c'était plutôt ma loyauté et la conscience de l'importance de ses objectifs qui me motivaient.

J'étais donc relativement agacée en arrivant au pied de l'immeuble. Je m'essuyai les pieds sur le tapis de l'entrée, mais cela ne m'empêcha pas de tremper les marches de l'escalier, les pans de mon manteau gouttant lourdement sur le bois ciré. J'arrivai au troisième étage et m'approchai de la porte ouverte. En m'avisant, le soldat qui se tenait sur le seuil se mit au garde à vue.

— Bonsoir Lieutenant.

— Repos, répondis-je. Avez-vous trouvé de nouveaux éléments durant les fouilles aujourd'hui ?

— Non, Lieutenant, pas que je sache.

— Je vais aller voir vos collègues pour un rapport détaillé.

L'homme hocha la tête et s'écarta pour me laisser entrer. Je jetai un coup d'œil circulaire à la pièce. Relevé d'empreintes, mise en sachet de pièces à conviction potentielles, démontage des meubles, tout y était passé. Ils avaient arraché le papier peint, détruit la cheminée, et même défait le parquet pour voir s'il ne dissimulait pas une cachette. Mais les murs sales ne recelaient ni information cachée, ni coffre-fort, ni mystère d'aucune sorte. Le Sergent qui supervisait les recherches me vit arriver.

— Je viens de la part du Colonel Mustang pour relever les rapports de fouille.

— Je vous sors ça tout de suite.

Le militaire se pencha sur la table pliante qu'ils avaient apportée pour pouvoir documenter chaque élément trouvé dans la pièce, fouilla parmi une boite de dossiers et ressortit une épaisse liasse de papiers.

— Voici. Nous avons annoté et numéroté chaque effet personnel trouvé dans l'appartement. En annexe, il y a la fiche de compte rendu de la procédure et la liste des militaires ayant travaillé ici au jour par jour.

Je feuilletai le document et poussai un soupir. Il devait bien faire deux cents pages. Je n'aurai pas le temps de tout consulter ici, c'était une certitude... mais en survolant les pages, je constatai qu'elles avaient été soigneusement documentées. Je prendrai le temps d'éplucher le rapport, mais visiblement, le travail avait été fait avec soin.

— Cela m'a l'air d'être du bon travail. Vous pouvez être fier de vous.

— Nous aurions été fiers si nous avions trouvé quelque chose d'utile, répondit-il avec une certaine amertume.

— Une partie de notre travail est d'éliminer les pistes. Même si c'est peu gratifiant, c'est une tâche essentielle.

Je jetai un coup d'œil circulaire à la pièce en chantier. Le moins qu'on puisse dire, c'était que son équipe s'était donné du mal. Mais on sentait qu'ils étaient désabusés.

— Vous permettez que je prenne ceci ? fis-je en soulevant le bloc de papier. Je le transmettrai à mon supérieur.

— Bien sûr, nous en avons une copie que nous documentons au fur et à mesure.

— Très bien. Attendez le retour du Colonel Mustang pour agir en conséquence, mais je pense qu'il vous transmettra demain l'ordre d'arrêter les recherches et de libérer l'appartement. En revanche, il se peut qu'il vous demande de lui transmettre certaines pièces à conviction.

— Exception faite de son carnet d'adresses, je ne vois pas ce qui pourrait être utile à l'enquête.

— Sait-on jamais, répondis-je.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesWhere stories live. Discover now