Chapitre 4 - 8 : Retrouvailles (Edward)

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L'après-midi avait filé à toute vitesse. Après avoir acheté des sandwiches, nous nous étions posés à l'auberge, trop heureux de pouvoir laisser ses affaires là-bas, et avions passé au moins deux heures à parler de nos aventures respectives. Roxane était estomaquée de ce que je lui avais raconté, tandis que je posais cartes sur table, lui exposant les grandes lignes du complot qui contrôlait l'armée. De mon côté, apprendre que Berry était mort dans un accident à Lacosta m'avait mis un coup au moral. Elle avait tâché de me changer les idées en parlant d'autres choses concernant la ville et les personnes que j'y avais côtoyées, mais la situation qu'elle avait dressée me désola d'autant plus. Je me sentais terriblement coupable d'avoir laissé tout le monde dans cette situation, alors que je connaissais les vices de l'armée. Ce fut finalement de parler de ma fameuse rencontre qui allégea ma discussion, un peu à mes dépens.

— Enfin... c'est qui ce pervers qui suit des nanas dans la rue ? s'indigna-t-elle après mon récit.

— Mais, c'est pas son genre. C'est pour ça que je pense qu'il m'a reconnu. Mais en même temps, on dirait que non.

— C'est pas son genre, hein ? fit-elle avec son regard pétillant.

— Bah, je le connais quand même bien... à la base, c'est mon supérieur hiérarchique. Il a l'air hautain comme ça, mais je sais qu'au fond, c'est un mec bien.

Elle hocha la tête, me laissant continuer à parler, tandis qu'un sourire s'élargissait un peu plus à chacun de ses mots.

— Mais le truc, c'est qu'il n'y a que quelques militaires qui savent pour mon corps, comme Riza... tu sais, celle à qui j'écris en prétendant que je suis sa cousine ?

— J'ai suivi, oui.

— Il y a aussi Ross, même si je l'ai pas revue depuis des lustres, et Havoc. Mais lui, il sait pas.

— Mustang ne sait pas, donc ?

— Nan.

— Pourquoi ?

— Moins il y a de gens au courant, mieux je me porte, bredouillai-je en rougissant.

— Pourtant, d'après ce que j'ai compris, tu le voyais souvent... Et vu tout ce que tu lui as dit par ailleurs, ça ne doit pas être simple à gérer, non ?

— Non, admis-je en baissant les yeux vers le lit.

— Au final, s'il l'a compris, au moins, tu n'auras plus besoin de le lui cacher.

Je me sentis m'empourprer intensément.

— Si c'est le cas, il doit être furieux contre moi à l'heure qu'il est.

— Hé bien, au pire, c'est un mauvais moment à passer, éluda Roxane en haussant les épaules. Il s'en remettra, tu sais ?

Pas moi.

Je ne savais pas pourquoi mes oreilles chauffaient et ma gorge se nouait à cette idée, mais j'étais assez sûr de ne pas vouloir de cette situation.

— J'aime autant qu'il ne sache pas. De toute façon, c'est provisoire, je retrouverai bien un moyen de retrouver mon corps d'origine.

— ... OK.... fit-elle d'un ton circonspect. Donc, tu comptes le lui cacher jusqu'à ce que tu aies réglé le problème par toi-même.

J'opinai, en me mordillant la lèvre, un peu tendu par son insistance sur le sujet.

— Hé bien, tu ne veux vraiment pas qu'il t'aide, dis donc !

— Je veux pas qu'il me prenne en défaut, grommelai-je.

— Ça va, si j'ai bien compris, il t'a bien aidé pour d'autres choses, non ?

— C'est pas pareil.

— Pourquoi ?

Elle avait posé la question en plantant ses yeux bleu-vert, dans les miens, et me fixait attentivement, sans agressivité, au contraire, elle avait son habituel sourire affectueux. Face à son regard, je n'avais aucune autre solution que me demander, en toute honnêteté « C'est vrai, au juste, pourquoi? »

— Je... Je ne veux pas être vu comme une femme.

— Pourquoi ?

— Parce que c'est un homme à femmes, bredouillai-je maladroitement, réalisant trop tard que ça ne sonnait pas du tout pareil dans ma tête.

À ces mots, elle éclata de rire, un rire franc, qui me vexa terriblement. J'avais fini par me lever du lit en m'indignant.

— Pourquoi tu te fous de moi comme ça ?!

— Tu es tellement adorable, E... Angie.

— Pourquoi tu dis çaaaa ?

— Parce que c'est vrai, répondit-elle du tac au tac, pleurant de rire.

— Genre je suis adorable, tu te fous de ma gueule, oui ! Puisque c'est comme ça, je ne dirai plus rien !

La dispute vira au chahut, et nous laissa quelques minutes plus tard, essoufflés et complètement décoiffés, elle, vautrée sur le lit, moi, sur le tapis. Je songeai que malgré ses propos vexants, j'avais avec elle une complicité que je n'avais jusque-là connue qu'avec Alphonse et Winry.

À leur souvenir, je me rembrunis. Roxane, qui avait laissé sa tête pendre dans le vide, vit mon expression se fermer et roula sur le ventre pour caler son menton dans ses paumes et m'en demander la raison. Je lui parlai un peu de mon frère et de Winry, que j'avais dû laisser sans nouvelles. Je lui avouai à demi-mot que je m'étais sévèrement disputé avec lui et que je n'avais pas pu me réconcilier avant mon départ. Cette fois-ci, elle compatit sincèrement. Tout en continuant à parler, je m'assis sur le lit et refis sommairement ma tresse. En me voyant faire, elle me pointa du doigt.

— Attention, tu te ressembles trop !

— Comment ça ?

— Porter une tresse, t'habiller en rouge et noir, et surtout porter ces horribles godillots. Ça rappelle trop ton ancienne identité.

J'ouvris la bouche pour répliquer et la refermai, réalisant qu'elle n'avait pas tout à fait tort. Je me trouvais très différent, mais si on exceptait mon visage rendu méconnaissable par une couche de maquillage qui n'était pas toujours là et une paire de lunettes rondes, ma tenue, à bien y réfléchir, n'avait finalement pas tant changé que ça

— Franchement, si on te voit de dos, on ne devine même pas que tu es habillé en fille.

— Hé !

— Mais c'est vrai !

— ... Tu fais chier quand tu as raison, marmonnai-je. ... mais en même temps, qu'est-ce que je suis censé faire ?

À ces mots, elle empoigna son sac à main et se leva en se le mettant sur l'épaule avec un sourire qui ne me disait rien qui vaille.

— Du shopping.

— Quoi ?

— Racheter des vêtements.

— Mais j'en ai déjà ! m'exclamai-je, lui arrachant un nouveau rire.

— Allez, viens ! Pour commencer, on va te trouver une paire de chaussures digne de ce nom, et des robes qui fassent moins mamie que ça.

— Mais...

— Écoute, tu veux être une fille, oui ou non ? fit-elle en m'empoignant par le col avec une forme d'autorité qu'elle était la seule à avoir.

Je la regardai avec de grands yeux, ne sachant pas quoi répondre. Est-ce que je voulais être une fille ? Non, définitivement non. Mais en pratique... Avais-je vraiment le choix ?

— Je dois être une fille... Je suppose.

— À la bonne heure ! Allons-y !

Je me levai du lit avec un soupir inquiet, recommençant à me demander dans quoi je m'étais embarqué.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesWhere stories live. Discover now