Chapitre 3 - 3 : Jour après jour (Roxane)

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— Par contre, je sais pas si tu es au courant, pour Edward Elric, fit-elle

— Quoi, Edward ?

— Il est recherché par l'armée, ça fait plusieurs semaines qu'il a disparu.

— Sérieux ? !

— Oui.

— Mais pourquoi ?

— Je ne sais pas exactement, l'article que j'ai lu est flou sur le sujet, mais apparemment il a tenu tête au Généralissime en personne.

— Merde... qu'est-ce qui lui a pris ?

— Je ne sais pas, je n'étais pas là pour le voir, répondit-elle avec une petite grimace.

— Je vais m'inquiéter pour lui aussi, maintenant, grommelai-je.

— Et c'est un soutien de moins, commenta June.

— Pour ce qu'il nous soutenait... Il a foutu le boxon, puis il est reparti à Central, et pouf, évaporé, le justicier, grommela Carine.

— S'il n'avait pas été là, j'aurais été vendue à Xing comme esclave sexuelle, rappela Pénélope d'un ton froid.

La danseuse baissa les yeux, contrite. Pénélope avait raison, mais je comprenais aussi ma collègue. Ne pas avoir de nouvelles depuis son départ m'avait laissée un peu amère, surtout après ce que nous avions vécu. Comme s'il m'avait oublié sitôt parti, comme si nous n'avions aucune importance.

— Si on parle stratégie, du coup, qui est avec nous dans l'armée ? demanda June, changeant de sujet.

— Au sein de l'armée, il y a pas mal de locaux qui sont en accord avec notre mouvement, même si avec le devoir de réserve, ils ne le montreront pas. Mais plus on monte dans les grades, moins on a de soutien. Le Général Grumann, qui gère East-city, essaie de gérer ça le plus pacifiquement possible, il pourrait être un allié puissant si nous pouvions nous entendre avec lui, mais... J'ai discuté avec Juliett, qui laisse traîner ses oreilles aux réunions, et apparemment, ses ordres sont contredits en plus haut lieu à Central.

— Comme d'habitude, la capitale nous laisse moisir dans notre merde, grommelai-je amèrement.

— Mais c'est vraiment étrange, commenta June. Ils ont bien conscience de mettre notre économie à genoux, qu'espèrent-ils y gagner à part une rébellion sanglante ?

— C'est peut-être ce qu'ils veulent, répondit Pénélope. Nous provoquer pour mieux pouvoir nous asservir ensuite. Prouver que nous sommes ingérables et dangereux.

— Soyons fiers de nous, alors, répondit Carine, car pour l'instant nous leur donnons tort. J'ai fait le tour des magasins ce matin et des producteurs environnants, et si, financièrement, on nage en plein naufrage, au niveau des ressources, on s'en sort pas trop mal. On a eu une très bonne récolte de raisins cette année, surtout en exploitant ceux qui poussaient en ville...

— Sans blague.

— ... mais on a aussi beaucoup d'olives, les amandiers ont bien donné, et on a échappé au pire en avançant un peu la récolte des blés. Si on ajoute les maraîchages, ce qu'on peut glaner dans les bois et les venaisons, on devrait pouvoir faire manger la ville tout l'hiver.

— Ça, c'est à condition qu'il n'y ait pas de mouvement de panique où les gens commencent à amasser des provisions, quitte à gâcher de la nourriture, rappela June

— Ou se gavent, comme les dîners des hauts dirigeants, grinça Pénélope.

— Et pour les ressources extérieures ?

— Pour l'instant, le vin marche bien à Aerugo, ce qui nous permet d'importer du café, du chocolat, quelques poteries, mais notre stock ne sera pas éternel, donc il va falloir trouver sur quoi rebondir. La question, c'est : qu'est-ce qu'on peut vendre qui ne nous prive pas de ressources vitales ?

— Il faut quelque chose qu'on ait en abondance, et qui soit durable. Si la situation est toujours aussi difficile dans un an et que l'on a joué nos dernières cartes, on aura vraiment tout perdu.

— On ne peut plus compter sur le tourisme, sans la prostitution pour appâter le public, personne ne fera l'effort de venir jusqu'ici... et puis, avec la morte-saison, de toute façon... soupira Carine.

— Est-ce qu'on a des savoir-faire locaux ? demandai-je. Certaines villes sont connues pour leur production, comme Resembool, qui fournit les textiles pour l'armée dans tout l'Est du pays avec leur lainage...

— Bah, on a le vin, mais ça ne suffit pas, fit Karine. Et puis on n'est pas les seuls.

— Pourtant, il est vraiment bon.

— Ouais, mais personne ne connaît Lacosta pour son vin.

— Si seulement on avait le monopole sur quelque chose, on pourrait s'en servir comme moyen de pression. Imaginez, si on était les seuls à importer du café, on pourrait leur couper les vivres. Vous imaginez l'armée sans café ?

Cette idée nous arracha un sourire.

— Hé oui, mais ce n'est pas le cas. Même si on est bien situé géographiquement pour le commerce international, sans gare, on ne pourra pas faire grand-chose, fit Karine, pragmatique. Impossible d'exporter quoi que ce soit en grande quantité s'il faut les faire circuler en carriole ou en voiture. C'est cher et dangereux.

À ces mots, tout le monde baissa le nez. Nous étions bien placées pour le savoir. Nous aurions dû être cinq à cette table.

Bras de fer, gant de velours - Quatrième partie : En coulissesWhere stories live. Discover now