61. Nous deux

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Things change de Kopa en média.•




Ayden


Mes hématomes ont disparues, complètement. Il me suffit de me débarrasser de ce fichu plâtre et de ce vieux pansement qui m’empoisonnent la vie. Plus qu’une semaine.

Six semaines que je suis cloué ici sans dépasser la ligne du portail. Ma seule liaison avec le monde extérieur est Louka qui passe régulièrement me voir. J’en ai marre de regarder ses murs. Manon me manque. Plus que tout. J’ai bien peur que mes sentiments ont évolués.

Avec le temps, j’ai réfléchi. Mes pensées sont plus claires depuis mon rêve plus lucide que bizarre. Je me sens libérer d’un poids. Le poids de la culpabilité. Pour la première fois depuis deux ans, j’ai réussi à parler de Sarah sans m’immerger dans une grande peine. Plus de cauchemar. Plus de regret. Plus d’amertume.

C’est comme si je me suis pardonné.

Je suis en vie.  

Je tourne en boucle la plus belle phrase de Manon lorsque j’étais à l’hosto. « Le body painting, la croisière, le road trip loin d’ici… » La même qui m’a fourni l’énergie de bouger mon pouce.

Un sourire niais sur mon visage, mon pinceau tourne sur la toile.

― On m’a dit que tu n’as pas pris de pause depuis ce matin. Un peu d’air?

Louka m’invite à sortir de mon antre alors qu’il vient à peine d’arriver. J’abandonne mon pinceau, essuie mes doigts sur mon jean et me lève de ma banquette.

― J’ai trouvé l’adresse de monsieur et madame Darwin ! Ils habitent à une heure d’ici dans une petite ville de San Mateo. Ils vivent seuls sans enfants. J’ai pris les initiatives de savoir si elle a accouché Sarah mais aucune piste. C’est pour ça que j’ai fait appel à Ophélie, affirme mon ami.

On fait le premier pas dehors et une bourrasque de vent alimente mes poumons. Je souffre un peu moins quand je respire. L’essence de la Terre m’envahit. On saute une flaque devant la maison et nous nous dirigeons sur les allées du jardin.

― Elle a accepté de venir?

― Bien sûr ! Demain j’irai la chercher à l’aéroport. Elle crèche chez moi.

― Hum ! Julaïna n’y voit pas d’inconvénients?

Il soupire et se frotte le bras au passage d’un courant d’air.

― On part cinq jours en Australie. On en a besoin avant de nous lancer à la poursuite de Sab. Nous reviendrons vendredi prochain !

Je crispe. Pourquoi il ne m’en a pas parlé avant?

― Bon voyage ! Susurré-je le cœur en compote.

Il se freine et se positionne face à moi, une main sur sa clavicule gauche.  

― J’irai faire ce que tu m’as demandé dès cet aprèm puis j’irai voir Jaime.

Je baisse la tête. Le regard évadé sur une feuille morte, je déglutis.

― Tu reviens ici ensuite. D’accord ?

J’en ai marre de ce plâtre.  

― Oui bien sûr. Faut que t’arrêtes de te diminuer. Avoir un bras en récupération ne signifie en rien que t’es un humain inférieur. Tu complexes trop.

Quelle jolie façon de me remonter la morale. Cependant le roux a raison. Je complexe.

― Tu me donneras de ses nouvelles.

― Ok ! Parlons de bonnes choses ! Lola m’a rapporté que tu peins comme tu respires, le roux me dévisage- et on dirait qu'elle n'a pas tort...

)()(

Il pleut.

Quelques heures après le départ de Louka je me retrouve assis sur mon balcon à fumer ma première cloque depuis des semaines. Mon cerveau imagine les différentes façons d’éradiquer Sab de la planète afin que ce qu’il m’a fait n’arrive plus à personne. Goutte après goutte, l’eau de pluie s’échouant au sol apaise à mon âme.  

Toc toc !

Il n’existe que mon père à toquer deux fois sur une porte. Je délaisse ma cloque dans le cendrier et lui crie d’entrer. Je bascule sur le dossier de la chaise attendant mon blâme.

― Tu fumes ? Je croyais t’avoir demandé d’arrêter. Le cancer des poumons, Ayden !

Je ne comprends pas son comportement de paranoïa à me saouler avec cette putain de maladie. Je ne vais pas le choper et elle non plus, elle ne va pas me choper. Mais apparemment lui, si. D’ailleurs, il ne fume plus de cigare. Mais je ne suis pas d’humeur à ouvrir le sujet.

― Ok Jayden ! J’ai arrêté, seulement cinq semaines mais c’est un arrêt. T’as parlé à Roue ?

― Monsieur Rouen, tu voulais dire?

Agacé, je lève les yeux au ciel.

― Tu auras des cours à domicile. Tu passeras les examens de décembre et tous les autres. Fais-moi grâce de réussir.  

Je me retiens de soupirer.

― Ok ! Je ferai de mon mieux.

Il pousse la chaise à côté pour s’y installer. J’t’en prie laisse-moi seul.

― J’ai vu Manon !

Mon cœur saute un battement. Je ne bronche pas.

― Elle n’était pas joyeuse d’apprendre que tu ne vas plus retourner au lycée.

― Parce que tu lui as dit?

Je serre mon poing.

― C’est une brise d’amour cette fille. Pourquoi tu lui fais autant de mal?

Agacé, je projette ma vue au loin. Très loin.

― J’espère que tu feras le bon choix.

Une flamme s’allume en moi.

― C’est quoi le BON choix? L’interrogé-je horripilé au point culminant.

― On doit toujours se battre pour ce qui en vaut la peine. Et Manon t’aime de la plus belle façon qu’on puisse aimer quelqu’un. Récupère-la avant qu’il ne soit trop tard.

Il me tape l’épaule en partant.

Et je me force à croire qu’il ne soit pas trop tard pour nous deux !

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Streets Of YouWhere stories live. Discover now