78. Cigare

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●Heal de Tom Odell en média.●

Ayden

Le dicton qui dit que plus belle est la médaille, plus lourd est le revers n’a gagné tout son sens que maintenant. Chaque moment de bonheur précède à un moment de malheur d’au moins de la même taille. Et personne ne s’y attendait. Personne ne voulait que cela arrive. Même pas moi. 

Mes entrailles se découpent en petits morceaux lorsque je vois Zoé allongée sur son corps sans vie pleurant en silence. Je sais que quelque part dans sa vie une lumière vient de s’éteindre.

Je n’y peux rien. 

Le vide m’abritant m’a conduit à la cuisine où je bois du café en silence. Je ne ressens rien. Et je m’en voudrai toujours pour ça. Mes yeux plongés dans un point inexistant du plancher, je commence à me reprocher toutes les choses qu’il m’était impossible de prévoir ou d’accomplir. 

J’allais lui dire que je pars pour Charlestown avec Manon. 

Il ne sera plus là pour me reprocher de tenir la fourchette avec la main droite et le couteau dans la main gauche, ou de passer trop de temps à peindre…ou plein d’autres trucs sans importance de ce genre. Je ne croyais pas éprouver un tel vide émotionnel lorsqu’il partirait de ce monde; tout simplement parce que je n’avais jamais imaginé ce jour. 
On m’avait prévenu qu’il n’allait pas bien. Pourquoi je n’ai pas cherché plus loin? J’aurais dû. En même temps, ce n’est pas étonnant qu’une grosse merde comme moi n’ait rien fait. 

Une autre partie de moi vient de s’envoler. À peine deux jours que je me suis pardonné la mort de Sarah que cette merde me tombe dessus. Pourquoi est-il arrivé au moment où je commençais à m’en sortir. Je redoute le pire à présent. 

― Je sais que tu te culpabilises. Tes pensées sont de plus en plus sombres, c’est plus fort que toi. Tu dois savoir qu’il voulait se réconcilier avec toi, il l’a fait. Il voulait réunir sa famille avant ce jour, il l’a fait. Donc il est parti heureux, ne t’en fais pas. 

Ma mère tourne les talons sur ces mots. Me laissant plus mal qu’avant. Est-ce qu’elle savait qu’il allait mourir? Ils nous l’auraient caché? Tant de questions se bousculent dans ma tête. 
Je sors une bouteille de vodka du tiroir et absorbe mon premier verre. Je ferme les yeux, baisse la tête et respire. L’air que je respire pue la vodka et ça me dégoute. Je ne veux pas commettre les mêmes erreurs.

Je perçois la vibration de mon portable sur l’ilot central. Je dresse la tête. Manon. Oh non ! Je refuse l’appel de peur de la contaminer avec mon état d’esprit. Je délaisse mon IPhone, me lève et monte à l’étage. Zoé a besoin de moi. Je dois être puissant pour que tous ceux qui ont besoin d’appui puisse s’appuyer. C’est mon devoir. 

Je la retrouve assise contre le mur de la chambre de notre père, les genoux remonté contre sa poitrine, les yeux inondés de larme. Je me mets dans la même posture et l’approche de moi. 

― La mort est une grosse pute.

― On dit « La vie est une grosse pute » généralement, me corrige ma sœur. 

Le soir même nous apprenons la cause de sa mort. La leucémie le rongeait à petit feu. Il le savait depuis huit mois alors qu’il avait atteint le dernier stade de la maladie. Le docteur lui a laissé trois mois. Il en a vécu huit. Deux durant lesquels il jouait au Ping-pong avec le temps. Il n’avait rien dit pour ne pas gâcher les derniers moments de sa vie. Chose que fait chaque parent égoïste de ce monde. En tout cas, il a accompli ses dernières volontés. 
Le médecin m’a raconté qu’il disait beaucoup de bien de moi au cours de ses rendez-vous. Des jolies phrases qu’il ne m’aurait jamais dites. 

Streets Of YouWhere stories live. Discover now