INACCESSIBLE

39.

Elle

- Amber ! Oh mon Dieu, que fais-tu là ? Ne me dis pas que...

-Ouais, souriais-je. J'ai postulé à Princeton, moi aussi.

-Aaah ! Hurla-t-elle en me prenant dans ses bras. Je me demandais bien ce que je l'allais faire le premier jour avec zéro contact dans le campus, mais maintenant je suis si heureuse. J'espère qu'on nous prendra !

- Moi aussi. Alors, c'était comment dans son bureau ?

- Plutôt bien, il est cool. Mais, chuchote-t-elle, il ressemble pas à ces vieux pervers qui donneraient la lune pour la jambe d'une fille. Dommage, j'avais porté cette fente juste exprès.

-April !

-Quoi ? La fin justifie les moyens de s'attirer toutes les bonnes grâces, se moque-t-elle.

Je soupire face à l'attitude déraisonnée de mon amie. On en rit toutes les deux et elle me propose de passer la soirée avec elle.

- D'accord, je t'appelle dès que j'installe mes affaires.

-Si vous pouviez faciliter mon travail et entrez dans ce bureau, je vous donnerais même des places pour le concert de Bruce Springsteen. Le doyen vous attend, jeune dame, râla la vieille dame.

-Bonne chance, me lança April en sortant du bureau.

La chance ! Une réalité pour certains, un mythe pour moi. La dernière fois qu'elle a frappé à ma porte, c'était à mon treizième anniversaire. Tyler s'en était souvenu et m'avait acheté le casque Bluetooth dont je rêvais, et encore ! Je ne considérais pas cela comme de la chance vu qu'il avait utilisé mes dernières économies pour le faire. J'inspire et expire avant de franchir le bureau du professeur Johnson. L'univers dans lequel je plonge est chaleureux. La pièce est personnalisée, des photos de famille sont posées son bureau, de vieux sièges en cuir les font face, une bibliothèque bondée de livres épouse le mur de gauche et des plantes naturelles sont installées dans les angles de celui de droit. Par contre, le parquet est si bien ciré qu'on pourrait y faire de la patinoire.

- Mademoiselle Moore ?

- Enchanté, doyen Johnson ! Dis-je en saluant la main qu'il a bien voulu me tendre.

Je souris nerveusement et prend place sur un des sièges.

- Alors, commença-t-il en consultant mon CV sur son ordinateur, vous étudiez dans le lycée qui nous fournit l'un des plus grands effectifs chaque année, à savoir 6% sur l'ensemble du territoire national. Vos performances vous ont permis d'y étudier grâce à une bourse et la courbe de vos notes est relativement en hausse. C'est bien beau d'avoir de bons résultats, mais dites-moi qu'est-ce qui vous motive réellement ? Pourquoi voulez -vous intégrer l'université de Princeton ?

Bah pour faire mes études, quelle question ! Je me suis toujours demandé la finalité de ce genre d'interrogation.

- Le campus est chaleureux, le parc qui donne au lac recèle tout ce dont un étudiant a besoin pour passer ses années à Princeton. Les installations digitales rendent les cours plus interactifs, et l'animation et la vie festive sont des choses qui m'ont beaucoup convaincu ainsi que les allocations accordées aux étudiants, argumentais-je au cours d'une tirade passionnée.

- Je vois, nota-t-il, je prends en considération vos motivations et vous êtes bien partie pour intégrer un de nos collèges. Gardez le même rythme jusqu'en fin d'année.

Je hochais la tête et sa réponse venait d'alléger le poids que mon stress avait accumulé en entrant dans ce bureau.

- Merci, finis-je par dire.

Cette prise de contact était brève et efficace. Maintenant, je devais déposer mes bagages dans la chambre étudiante qui m'a été octroyée pour dormir ce week-end. Je sans déjà que je vais apprécier vivre ici durant des mois et des mois. Il m'écrit un mot à présenter au bureau du gestionnaire des logements pour la remise des clés et je sors de son bureau. Je marche vers la sortie du secrétariat quand la vielle femme m'interpelle.

-Mademoiselle Moore ?

-Oui, répondais-je en me retournant.

Elle avait son téléphone fixe à l'oreille et une mine dépitée.

-Elles est là, je lui transmets cela tout de suite. Argh, grogne-t-elle en raccrochant. Je ne sais pas comment ils ont fait pour vous intercepter juste à temps ni pourquoi ils ne vous appellent pas sur votre ligne directe...Vous avez bien un téléphone ?

-Que disait l'appel ? M'impatientais-je en me rapprochant de son bureau.

-Une Rolls-Royce vous attend devant l'allée principale, de la part du Regis High School. Une cérémonie, je sais plus trop quoi, pour accueillir les élèves du lycée qui prétendent aux facultés de Princeton. C'est ce qu'ils m'ont dit, j'ai oublié la couleur de la voiture. Maintenant si vous voulez bien quitter mon bureau, vous me donnez trop de travail.

-Passez une bonne soirée.

-Merci, murmura-t-elle.

Une Rolls-Royce ? Il est dans les habitudes de mes camarades de classe d'organiser des évènements pareils, et louer un véhicule aussi cher entre dans leur budget. J'ai promis de passer cette soirée avec April et ne me sent supporter une quelconque fête ni les humeurs des richissimes qui y participeront. Je sors du bâtiment et suis prête à prendre les clés de mon logement quand la seule voiture blanche du voisinage attire mon attention de l'autre côté de la route. Je n'ai qu'un sac avec moi, mais aimerais d'abord le déposer. Puis, je réfléchis au fait que je pourrais me construire plus de connaissances à l'université, en plus la voiture est splendide. Je descends l'allée et remarque que le chauffeur patiente à l'extérieur bel et bien devant une Rolls-Royce.

- Mademoiselle Moore ? Demanda-t-il.

- Oui, excusez-moi il n'y a pas d'autres élèves qui viennent avec nous ?

- Vous êtes la seule, m'informe-t-il en m'ouvrant la portière. J'ai une horaire à respecter.

Bizarre...qu'est-ce qu'ils manigancent encore ces gosses de riches. Je filme la plaque d'immatriculation de la voiture et envoie ma localisation à April avant de m'installer à l'arrière. Je l'informe que je ne compte pas mettre long. Aussitôt que ça m'aura saoulé, je prendrais un taxi pour rentrer. Si cette cérémonie peut me permettre de rencontrer les étudiants qui étudieront ici avec moi, je forcerais quelques sourires, volontiers.