INACCESSIBLE

5.

Elle

     L'Arena night-club est la boîte la plus imposante de New York. Et dire qu'ils ont besoin d'une serveuse S. Le terme S est un jargon peu connu du public, il désigne des serveuses qui utilisent leurs corps pour divertir la clientèle masculine et féminine, afin de leur faire dépenser le plus d'argent possible. Si mes parents apprennent que je veux exercer ce job, ils me brûleront vive ! Mais ai-je le choix si je veux gagner de l'argent ce soir ?

Non. Je ne crois pas au hasard, et je pense que si j'ai atterri sur leur annonce, c'est que je dois y aller. En plus ils proposent de l'argent à leurs employés dès la prise de service.

La boîte se trouve en plein cœur de Times Square, je n'y suis jamais allée pourtant j'ai toujours rêver d'y être. Que ne ferais-je pas pour un peu de fric? Je prends un taxi avec mes derniers centimes pour arriver le plus tôt possible. Je trouve que je fréquente beaucoup Manhattan pour une fille paumée de Brooklyn.

Je peux contempler Times Square à travers les vitres du véhicule qui reflètent les lumières des immenses immeubles se dressant contre nous. Il y a beaucoup de circulation et les piétons sont si nombreux qu'on dirait une ruche. Les magasins gouvernent les trottoirs ; je peux alors apercevoir le Disney Store ou le M&M's world. Le One Astor Plaza, les panneaux publicitaires, les écrans géants...ce paysage futuriste m'éblouie !

J'arrive trente minutes plus tard au club. La façade est classique et le logo ARENA est écrit en gras au-dessus de l'immense porte centrale recouverte de... cuir ! L'entrée principale est réservée aux clients, alors je passe à l'arrière après avoir demandé mon chemin. Je tombe sur un gorille de vigile, il est de trois têtes plus haut que moi et son corps à lui seul recouvre la petite porte qu'il surveille.

- Je suis venue pour le job de serveuse, bredouillais -je en lui montrant la brochure que j'ai ramassé.

Il fronce le visage sans broncher et m'ouvre la porte.

- La troisième à gauche.

- Merci.

La porte claque derrière moi quand je dévale un couloir interminable où une odeur d'alcool me picote gravement les narines. Les lumières tamisées en rose fuchsia m'empêchent presque de distinguer les portes qui se fondent dans le décor des murs. Quand j'arrive au seuil de ladite porte, une voix me demande d'entrer sans que je n'eusse besoin de frapper.

J'exécute. L'odeur de la pièce est plus agressive que celle du couloir. Je m'approche du bureau, dubitative et un homme se retourne sur son siège amovible. Il est mince et porte un costume rose et élégant. Sa moustache est très fine et le regard rouge de ses yeux trahit sa dépendance à l'alcool et à la cigarette.

- Je suis ici pour le job de serveuse S

- Donnez-moi votre nom, votre âge et votre dimension de poitrine.

Je rougis gênée de ce détail à fournir. Il me fusille du regard, attendant mes réponses.

- Vous voulez peut-être que je mesure pour vous ? Me lance-t-il acerbe.

- Je m'appelle Amber Moore, j'ai 18 ans et...

Quelqu'un toque à la porte et je souffle, sauvée par le gong.

- Entrez !

- Monsieur Silver, le client est là ! dit un vigile blanc en balançant un clin d'œil.

- Bien, vous êtes embauchée, vu votre petite poitrine, vous plairez sûrement à notre client.

Je m'égare, dois-je être contente parce que j'ai été recrutée si facilement ou alors m'énerver parce qu'il a dit que j'avais un petit tour de taille? Je choisis de m'énerver.

- Figurez-vous que...

- Vous pouvez disposer. Chris vous montrera les locaux, m'interromps-t-il dans mon élan de rébellion.

- Bien, me calmais-je.

Chris, un grand roux, me mène aux locaux.

- Vous êtes la dernière recrue, votre casier se trouvera au bout du couloir, il y a beaucoup de filles de votre âge ici ? sentez-vous à l'aise. Les noms de vos clients et leurs sièges sont généralement inscrits sur de petits bouts de papier dans vos casiers, mais comme vous êtes nouvelle, tenez.

Il me tend une note et me présente aux filles.

- bonne chance.

Je rejoins mes futures collègues sous leurs regards attentifs. Elles sont toutes belles et vêtues d'une combinaison moulante en dentelle noire. La salle est spacieuse et dispose de deux lignées de casiers et de quelques comptoirs de maquillage installés à l'opposé des vestiaires pour se changer. Elles retournent aussitôt à leurs occupations après m'avoir lancé un « bonsoir » bref. Je marche vers le fond quand un bras passe encercle mon cou et m'oblige à me retourner face à une joli afro-américaine qui me sourit à pleines dents. Ses cheveux frisés ont énormément de volume et ses lèvres pulpeuses ajoutent lui un charme indéniable.

- Salut, moi c'est April !