Fil de pêche

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 - Tu pues

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- Tu pues.

À mon réveil, les yeux verts d'un ours en peluche m'observent. Ceux de l'enfant apparaissent derrière les verres teintés d'une paire de lunettes. Il me prend la main. Elle est collante d'une substance visqueuse entre la bave canine et le bonbon humide. L'odeur me prend aux tripes et je me redresse un peu trop vite. Ah non, je pense en reniflant. Ça, c'est moi.

Déphasée, comme droguée, mes paupières s'abaissent de plus en plus lentement, décollant le sang séché sous mes cils à chaque battement. Tout est allé très vite, si vite, d'un seul coup...

- Et t'es moche, aussi.

Je sais reconnaître un chiard de Chicago quand j'en croise un.

Plus précisément encore quand il s'agit de mon voisin.

C'est quoi son nom déjà ?

- Perçy ! Viens ici, mon petit cochon.

- Où est-ce que je suis ?

Je m'étouffe et on m'apporte un verre d'eau. Je me frotte le nez plusieurs fois mais l'odeur est là. Elle ne part pas. L'impression d'avoir un morceau de plastique qui m'écrase le nez, une sorte de sac poubelle tiré sur la bouche, accroché tout autour de ma tête. Mes mains arrachent les bandages. Besoin d'air viscéral.

Le verre sur mes lèvres est aussi chaud que le plastique de la poubelle.

Je vomis par terre.

C'est une femme. Ronde, la trentaine, elle a ce petit quelque chose que toutes les mères ont sauf la mienne. Elle garde son fils derrière elle, la main fermement tendue vers lui tandis qu'elle pose l'autre sur mon bras dans un geste dur mais rassurant. L'enfant n'a même pas conscience de l'aura de protection, d'amour, qui s'échappe d'elle pour l'englober lui. Je me défais de l'étreinte.

- Vous êtes...

La voisine, oui, mais laquelle ?

- Abby, m'aide t-elle. Rallongez-vous, s'il vous plaît.

Sa main presse mon épaule et je me laisse tomber sur les coussins. Discrètement, le gamin retrouve son poste d'observation entre le téléviseur et la table du salon. Dans ses petits bras, il transporte son ours, un minuscule ukulélé et un petit canif dont la lame s'agite au fil de ses pas. Sa mère l'aperçoit en suivant mon regard, bondit et récupère l'arme qu'elle fourre dans sa poche ; mais elle n'est pas en colère, presque attendrie.

- Son père a tellement de couteaux qu'il ne sait plus où les ranger, se justifie t-elle en rougissant. Il a appris tout petit à s'en servir. J'ai beau dire à Perçy de ne pas y toucher ; il veut faire comme papa, vous comprenez.

- Pas vraiment.

Le ton est sec mais je fais peine à voir et on me pardonne mes écarts.

- Dès qu'il sera assez grand, on ira chasser ensemble, s'exclame une voix depuis ce qui doit être la cuisine du petit appartement. En attendant, les couteaux, ce n'est pas pour jouer.

Anthologie de la finWhere stories live. Discover now