Fin de l'histoire

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Je ne me rappelle plus nos derniers mots

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Je ne me rappelle plus nos derniers mots. Je crois bien que nous avions arrêter d'en utiliser ; qu'on ne se pensait même plus. Au fond, c'était un peu comme revenir aux premiers stades de notre amitié, quand nous étions trop petits ; trop innocents pour parler. Il suffisait alors d'un regard, d'une caresse.

Quand je le revois, après presque six mois d'absence, c'est tout ce qu'ils nous restent. Je cours m'effacer dans ses bras, embrasser ses oreilles, tirer ses cheveux pour m'assurer de leur réalité. Il est vivant et il est bon. Je le vois dans ces yeux clairs, apaisés, apprivoisés. C'est le Chris du début ; celui qui prend ses médicaments ou qui a appris à bien s'en passer. Je m'endors debout dans ses bras.

- Cétait un accident, je murmure. Elle était là depuis six jours. Je voulais seulement la prendre dans mes bras, je promets.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il parle ! Je le repousse. Cette histoire, je n'ai jamais eu besoin de la lui raconter.

- Je lui ai brisé la colonne. Elle s'est mise à pleurer plus fort. Ma mère était occupée dans la cuisine, je bégaie. C'est Kate qui est venue. Elle a compris, puis elle lui a dit. Ann est morte, mes parents ont divorcé, ma mère a déménagé. Je t'ai rencontré.

Il hausse un sourcil, se retient de rire.

- Ensuite, l'apocalypse et maintenant, ça. Qu'est-ce que tu feras quand tu n'auras plus rien à raconter ? il m'interroge en s'asseyant à mes côtés.

Devant nous se profile les immeubles aux toits plats de Chicago. Il y a l'odeur de l'essence et du soleil d'été ; celui des épices de Chinatown, des légumes bios qui coûtent une fortune ; juste sous nos fesses, mon appartement. Aujourd'hui, il a perdu tous ces meubles chinés, ces objets faits maisons dans des pays éloignés et le vieux tapis persan que j'aimais. Il y a des barreaux aux fenêtres, des livres cornés ; deux amis en train de rigoler.

- Ca sera son tour.

- Glenn ? Son histoire t'intéresse ?

Pas seulement la sienne, je marmonne entre mes lèvres.

- Tu regrettes ? Tu regrettes de m'avoir rencontré ?

- Tu en poses des questions, je grommelle.

Je le bouscule, regardant ailleurs pour cacher mes joues roses, mes yeux larmoyants, un sourire attendri qu'il ne devrait pas détenir. "Je t'aime et je regrette que tu sois pas vraiment avec moi, chez moi, avec mes amis ; que tu sois d'une manière ou d'une autre sorti de ma vie. Mais je sais que c'est pour le mieux, que la fin ne pouvait être insidieuse. C'était trop dur de te voir changer ; de ne plus reconnaitre mon propre reflet". Je le pense parce qu'on ne peut pas le dire et comme avant, il comprend. Il ne peut pas s'excuser pour tout ce qu'il a fait, ce qu'il n'a pas fait et ce qu'il fera ; car ça n'a pas de poids. Il peut juste me prendre dans ses bras et promettre que tout ce qu'il a fait, il l'a fait pour moi ; et alors, chose miraculeuse, je le regarde et je souris ; puisque je sais que ce n'est pas une justification, que cette fois, je ne pardonnerais pas.

Anthologie de la finWhere stories live. Discover now