Chris

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Ne pas paniquer ! Il ne faut pas paniquer ! Ma voix résonne dans ma tête et je suis obligée de me boucher les oreilles pour la faire taire

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Ne pas paniquer ! Il ne faut pas paniquer ! Ma voix résonne dans ma tête et je suis obligée de me boucher les oreilles pour la faire taire. J'ai le cœur au bord des lèvres, les larmes aux coins des yeux. Je m'assois. Je me relève. Ça fait des heures maintenant ; des heures que je l'attends ! Où est-il ? Que fait-il ? Qu'attend t-il pour revenir ? QUI  LE RETIENT ?

Chris est parti mais il reviendra. Ça, je le sais. C'est comme gravé au fer rouge dans ma chair.

Il a déjà raté bon nombre de rendez-vous, toujours pour la même raison.

Jamais il ne m'a...

Même après tout ça, il ne peut pas. Il ne veut pas.

Chris est parti mais il ne revient pas. Ça aussi, je le sais. Un imprévu, des morts ou des vivants. L'un d'entre eux l'a piégé. Il est coincé, quelque part, très loin, trop loin. Si il ne peut pas bouger, je bougerais. Si il ne peut pas parler, je parlerais. Si il ne peut pas venir, je viendrais.

J'avale deux barres de céréales et une gorgée d'eau, relace mes chaussures et arrange mon sac à dos. Je consulte la carte et la boussole. Ce sera direction plein Nord.

Par là-bas, il y a une petite banlieue avec sa trentaine de lottissements. Bien sûr, ça craint. Les gens et les morts s'amassent dans ces coins-là, les routes sont bloquées mais c'est vrai qu'on y trouve de la nourriture et un abri provisoire. Chris a dû flairer le bon plan.

J'ai les jambes tendues, douloureuses mais légères. Elles cisèlent l'air, jamais ne s'arrêtent. Je ne peux pas perdre de temps. Du temps, je ne sais pas combien j'en aies. Et Chris m'attend.

Dans une autre vie, nous avons dix ans et les usines de Pittsburgh se dressent contre nous. L'odeur épicée de la sauce bolognaise s'est de nouveau répandue dans notre immeuble : ta mère ne sait pas cuisiner mais elle s'entête. Une demi-italienne, bonne à rien, comme dit mon père. Où est le tien ? Avec une autre famille, tu me l'as dit.

Tu viens manger chez moi car ta mère a trop à faire avec tes sœurs. J'en aies deux mais tu en as quatre alors, à ce jeu-là, tu gagnes. Tu partages parfois ma chambre, je te prête mes jouets et on dessine tout les deux en silence sur de grandes feuilles de papier blanc. Tu es plus petit, tout petit mais pas comme un bébé. Tu ne sais pas bien parler. Tu as des lubies et tu fais des caprices. Ma mère dit que tu es différent, je dis que t'es pas fini.

Les emmerdes ne sont pas loin. L'odeur est bien là, épaisse et filandreuse. Il y a beaucoup de cadavres qui pourrissent sur les pelouses, certains ont été brûlé dans les jardins, mais la grande majorité se décompose à l'air libre au beau milieu de la rue. Les Morts sont rassemblés en un groupe compacte. Il se trainent tous par terre. INHABITUEL

Je m'approche d'un Mort qui rampe à l'écart, les jambes broyées. Les os brisés. J'approche ma main et lui arrache lentement un morceau de visage. La peau résiste. Je dois tirer un coup sec. La chair tient bon entre mes doigts : pas encore tout à fait moisi... Il y a beaucoup de Morts rassemblés ensemble, ventre à terre et seulement quelques uns ont encore tout leurs membres. Quel bazar : des jambes, des têtes, des bras écrasés. Je veille à ne pas glisser sur une cervelle.

Anthologie de la finWhere stories live. Discover now