Si je ne suis pas morte, c'est donc que je suis vivante

Depuis le début
                                    


J'ai la voix de celle qui a déjà trop parlé.


- C'est moi ? répète t-il.

- Je... Je ne vais pas vous... faire... de reproche.


Je déglutis.


- J'imagine que... je l'ai mérité.


Ma voix flanche. Il s'approche pour mieux entendre.


- Vous avez pensé... à Chris ? Comment il va faire sans moi ? Vous vous rappelez toutes ces fois où on a été séparé ? Ça fait trop longtemps déjà. Et l'éternité... Il ne pourra pas m'attendre l'éternité. On doit pouvoir s'arranger ! Je n'ai plus rien à donner mais on peut s'arranger.


Mes yeux s'attachent aux siens. Il est tout autant enchainé que moi.

La lumière baigne toujours son visage paisible quand sa grande main vient caresser mes cheveux. Sa barbe blanche chatouille ma joue.


- Vous devez aller le chercher. Vous devez me le ramener. Je sais que vous ne pouvez pas me ramener à lui mais lui, lui vous pouvez le tirer jusqu'ici, pas vrai ?  Faites le ! Faites le ou vous verrez ce que je ferais. Je tuerais tout vos chérubins, tout les anges du paradis, tout les autres vieux décédés, tout ceux qu'on a oublié et ceux qui viennent d'arriver; et s'il ne peuvent pas mourir, je les ferais souffrir et vous pourriez m'envoyer en enfer que ça m'empêcherait pas de... de...


À la lumière de la lampe se dessine sous les bras de l'homme deux béquilles de bois.


- Il y a méprise, on dirait... Hélas pour vous, je n'ai rien de divin.


Le hululement d'une chouette se répercute contre mon cœur.

L'homme plisse les yeux. Ma main jaillit des draps et le saisit la barbe.


- MENTEUR !! MENTEUR !! MENTEUR !!


Mes doigts froids s'enfoncent jusqu'à griffer son menton.

Je tire de toutes mes forces. L'homme glapit, se rejette en arrière mais je le tiens.

Je te tiens.


- Espèce de sale merde, tu crois que ça m'amuse, hein ? Tu rigoles plus, hein ?! Assume tes conneries, putain !! Assume !! Dit le ! Dit le que tu m'as tout pris ! DIT LE !!! Où tu les as mis hein ?! Ann et Kate, mes amis, ça t'a jamais suffit ?! TU VEUX M'ENLEVER MA VIE !!


Ça ne l'amuse pas.

La douleur s'est refermée sur mon bras. Déboité, cassé, qu'importe car je l'ai niqué.

Lève toi, il dit mais il n'est pas là. Lève toi et marche.


- Ils auraient pas dû m'envoyer un handicapé. Ils auraient pas dû.


J'ai pas le temps de péter les plombs.

Je ne peux pas me lever.

Anthologie de la finOù les histoires vivent. Découvrez maintenant