Chapitre XXXIX : Illustre au combat, partie 1

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Nous retournâmes au réfectoire le soir-même, après avoir passé l'après-midi à faire notre rapport, modifié par nos soins, à Sandrine. Cette dernière s'en sortait apparemment mieux que Stan, avec seulement une entorse au poignet. C'était assez frustrant.

Alors que nous entrions dans la salle bondée du réfectoire, une main se dressa au milieu des visages affamés pour attirer notre attention. C'était Étienne. Son dernier passage à la colonie ne datait pas de si longtemps, mais avec tous les événements passés, j'avais l'impression de ne pas l'avoir vu depuis une éternité. Nous récupérâmes nos plateaux et allâmes nous asseoir avec lui, un peu à l'écart. Il nous salua chaleureusement, malgré son visage fatigué. Il nous raconta son périple, nous évoquâmes en retour notre mésaventure. Nous nous concertâmes également en silence avant de lui parler de notre plan. Il gratta le début de barbe qui poussait sur ses joues, l'air pensif.

"Tu ne vas pas essayer de nous dissuader ? demanda Amandine.

-Non. Je ne suis pas votre père, et puis je suis d'accord avec ces gens. Je vous aurais bien aidé, mais je repars en expédition demain matin, ce ne serait pas très discret de ma part de disparaître. Mais bonne chance.

-Merci, Étienne, dis-je.

-Essayez de pas vous faire tuer, hein ?

-On essaiera, mais je te rappelle qu'Héloïse est de la partie, plaisanta Amandine.

-Hé ! protestai-je.

-Et si je comprends bien, quand je reviendrai, j'aurais plus qu'à aller voter, pas vrai ?"

Je laissai un rire franc m'échapper. Je n'avais jamais été aussi contente de revoir Étienne. Quant à Ludovic, je ne le voyais presque plus, et je me doutais que le mêler à la confidence n'était pas une bonne idée. Je n'étais pas sûre qu'on lui ai lessivé le cerveau au point qu'il nous trahisse, mais il tenterai sans doute de nous dissuader de mener notre projet à bien.

Après le dîner, nous dîmes au revoir à Étienne. Celui-ci se permit encore quelques plaisanteries et nous nous séparâmes. Amandine et moi rentrâmes à notre minuscule appartement. Nous prîmes une douche pour la deuxième fois de la journée et nous nous couchâmes.

J'étais épuisée. En dépit de cela, je ne parvenais pas à dormir. C'était différent de la dernière fois où je devais prendre une décision. Ce n'était pas ma vie qui était en jeu, c'était celles de civils. Les points de vue de Violette et d'Étienne se confrontaient ma tête. Avais-je le droit de sacrifier des gens comme le faisait Basile pour un but de plus grande envergure ? Allais-je d'ailleurs sacrifier des vies humaines ?

Dans le lit d'à côté, Amandine ne faisait pas le moindre bruit.

"Amandine ? Tu dors ?" appelai-je, consciente de la stupidité de ma question.

-Non", entendis-je en guise de réponse.

Elle semblait bien réveillée, je ne l'avais donc pas tirée de son sommeil. Je ne trouvais rien d'intelligent à dire pour poursuivre la conversation. Elle le fit pour moi :

"Je sais à quoi tu penses, chuchota-t-elle, comme si elle craignait d'être entendue de quelqu'un d'autre que moi. Ne t'inquiète pas. Tu n'as peut-être pas pris la bonne décision en donnant la clé, mais tu as fait la bonne décision en décidant d'arrêter Basile. Et même si ça ne l'est pas, cette fois, je l'ai faite avec toi."

A cette seconde, je cessai de considérer Amandine comme une simple alliée. Elle était ma meilleure amie. A nouveau. Celle sur qui je pouvais m'appuyer et celle qui pouvait s'appuyer sur moi, comme nous l'avions toujours fait, parce que c'était ainsi que les choses devaient être.

EPIDEMIA - IWhere stories live. Discover now