Chapitre XXIII : Le prix du savoir

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Ce n'était pas possible... Comment une chose pareille pouvait se produire au moment où tout semblait enfin terminé ?

Je me souvins du zombie qui avait agrippé la jambe de Fanny, quelques minutes auparavant. Un élan de rage envers cette créature m'envahit.

Mon regard tomba à nouveau sur la morsure de la brune. Soudain, ma propre haine se retourna contre moi. Si je n'avais pas laissé la clé au deuxième étage, jamais nous n'aurions eu besoin de remonter.

"Qu'est-ce qu'on peut faire ? demanda Ludovic d'une voix éteinte.

-Qu'est-ce que vous voulez faire ? Il n'y a rien à faire ?" répliqua Fanny.

Je remarquai que la flamme dans ses yeux s'était muée en douleur. Je comprenais le mal qui la rongeait. Mais je n'avais moi-même pas dû vivre la moitié de ce à quoi elle faisait face.

"On peut peut-être amputer ? proposa Étienne.

-Et après ? soupira Fanny. J'aurai une jambe en moins, je ne pourrai plus marcher et je me ferai bouffer tout aussi sûrement. De toute façon, c'est trop tard. Je sens déjà que le venin se disperse...

-O-On va te ramener à Graetz ! Il doit avoir quelque chose pour te soigner.

-Arrêtez de dire des conneries. On ne peut pas soigner ça. On ne pourra jamais..."

Elle nous désigna son pistolet.

"Et j'ai plus qu'une chose à faire.

-Non ! s'exclama Amandine. T'as encore du temps ! Les infectés mettent de plus en plus de temps à se transformer. On peut encore attendre.

-J'ai pas envie d'attendre ! cria Fanny. La douleur est pire à chaque seconde que je perds. J'ai l'impression que ma tête va exploser..."

Elle baissa les yeux sur ses chaussures. Je m'en voulais tellement. J'aurais donné ma propre vie pour que rien de tout cela ne soit arrivé.

"J'ai pas envie que vous voyez ça, lâcha Fanny à mi-voix. Partez, ce sera aussi bien."

C'était comme si l'histoire se répétait. Qui serait le prochain ? La petite brune leva la tête avec un sourire faible, mais qui semblait sincère.

"J'aurais bien aimé savoir, moi aussi..."

Mon cœur se serra. J'avais été égoïste. Je m'en voulais tellement. Ça aurait dû être moi, la fille mordue, debout sur ce perron.

"Salut, j'espère que vous vous en sortirez mieux que moi."

Elle leva son pistolet trop vite pour que nous ne puissions réagir.

"Fanny, non... !" hurlai-je.

Bang. Fini.


•••


J'entendais en boucle dans ma tête l'écho de la détonation, du corps de Fanny qui tombait par terre, du cliquetis du pistolet qui heurtait les marches. Je revoyais le sang, moucheté sur les vitres de l'hôpital, et en flaque à nos pieds...

Une tasse de café noir comme je le détestais fumait devant moi. Mais je n'avais d'yeux que pour la clé USB, entre mes doigts. Que faire ? J'avais envie de la lancer, de l'éclater par terre, par dépit. Mais cela aurait été injuste. Pour Fanny et pour mes amis qui voulaient savoir eux aussi. Je n'avais pas le droit de céder à la colère.

Mes yeux me piquaient, ma gorge me brûlait, mon ventre se nouait. Je ne voulais plus voir les images qui me hantaient inlassablement. J'avais besoin de penser à autre chose.

EPIDEMIA - IWhere stories live. Discover now