Chapitre XXVIII : Sortis des fourrés

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Je fus réveillée par une mélodie jouée à la guitare, au moment ou le noir absolu de mon sommeil se transformait en gris qui, je le savais, allait muter en cauchemar sanguinolent. J'ouvris les yeux et découvris que le son en question provenait de l'autoradio. L'horloge à cristaux liquides encastrée dans le tableau de bord juste au dessus indiquait "15:34". Cela faisait une éternité que je n'avais pas consulté l'heure. Juste en dessous, les cristaux traçaient en lettres et chiffres rouges "17 septembre". Je me rendis compte que j'avais totalement perdu le fil. Nous étions finalement bien plus avancés dans le mois de septembre que ce que je pensais. C'était comme avoir un repère après des mois d'errance incertaine. Je commençais sérieusement à apprécier de plus en plus ce pick-up et sa conductrice.

"T'as le sommeil léger, gamine, fit à mi-voix cette dernière. Je viens à peine de mettre le CD.

-Ne vous inquiétez pas, la rassurai-je. Je suis plutôt contente de m'être réveillée en fait.

-Pourquoi, tu as peur que je vous joue un sale tour pendant que vous dormez ?"

Je secouai la tête en replaçant mon coude qui avait glissé du bord de la vitre.

"Non, repris-je. Mais à quelques secondes près, j'allais me retrouver dans un cauchemar.

-Oh."

Je compris que j'avais soufflé toute la répartie de mon interlocutrice et que le reste du trajet allait être long si je ne faisais pas d'effort.

"J'aime bien cette musique, annonçai-je maladroitement. Qu'est-ce que c'est ?

-Aucune idée, répondit Édith qui semblait heureuse de ne plus devoir jouer les pseudo-psychologues. J'ai pris un CD au hasard dans la boîte à gant. Cette voiture n'est même pas à moi. C'était la plus solide en état d'aller à Dijon,sur la rocade... Mais si ça t'intéresse de savoir, regarde."

Ça ne m'intéressait pas. Savoir que j'aimais me suffisais. Je ne pris même pas la peine de chercher la boîte.

"J'ai dormi longtemps ?

-Tu plaisantes ? A peine un quart d'heure ! Par contre, tes amis ont l'air d'être partis pour la nuit...

-On est tous très fatigués.

-Ouais, je suppose..."

J'avais l'impression de l'avoir embarrassé à nouveau. Elle devait être aussi douée avec les sentiments que moi avec mon sommeil.

"Est-ce qu'on en a encore pour longtemps ?

-Mais qui m'a fichue une gamine pareille ? On est partis depuis un quart d'heure, c'est pas non plus la porte à côté !"

Je me tassai sur mon siège à la manière d'un enfant grondé par ses parents, mordillant l'intérieur de mes joues. Je me tournai vers la banquette arrière. La tête d'Amandine était appuyée contre la portière et son visage disparaissait sous ses cheveux. Étienne et Ludovic s'étaient retrouvés, sans doute inconsciemment, affalés l'un contre l'autre, bouches entrouvertes. Je me remis face à la route et jetai un coup d'œil à Édith. Mon regard descendit jusqu'à sa main droite sur le volant. Une gourmette un peu trop large pour elle pendait à son poignet. C'était un bijou d'homme. Un nom était inscrit sur la plaquette : Denis. Je préférai ne pas évoquer ce nom.

"Je peux vous poser une question indiscrète ? interrogeai-je.

-Tu poses déjà bien trop de questions tout court."

Je pris cette réponse pour un "oui", même si tout dans l'attitude de la conductrice induisait un "non".

"Pourquoi êtes vous partie d'Auxerre seulement maintenant ?"

EPIDEMIA - IWhere stories live. Discover now