Chapitre XXX : Malaises

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Ludovic bondit comme un ressort et se jeta contre le grillage. Ses yeux semblaient prêts à sauter de leurs orbites. Étienne et Amandine se levèrent dans le même élan.

Quant à moi, je n'en croyais pas mes yeux.

"Je te croyais mort, vieux !" s'exclama un des garçons.

Et pourtant, devant nous, aussi sinon plus surpris que mes amis et moi réunis, se tenait Léo, en chair et en os.

Léo, que je pensais mort depuis près de cinq mois, dévoré ou peut-être transformé lors de l'attaque du lycée. Dont le visage me revenait parfois en rêve, parmi tous ceux qui étaient morts. Je devais me persuader que non, le sang qui tapissait les murs et le sol de la salle des profs n'était pas entre autres à lui...

"Comment as-tu fait ?", balbutia-je à mi-voix.

Notre ex-camarade porta une main à sa bouche. Il semblait réellement abasourdi. Il paraissait hésiter entre avancer et reculer. Il en résultait un mouvement désorganisé, qui l'amenait à buter dans les assiettes qu'il avait laissé tomber.

"Léo ! appela une voix rocailleuse en haut des escaliers. Qu'est-ce que tu fiches, bon sang ?"

Celui que je prenais pour un cadavre à peine quelques secondes auparavant accorda un coup d'œil par dessus son épaule à la cage d'escalier.

"Je reviens, prononça-t-il, remuant à peine les lèvres. Ne bougez pas..."

Et il se précipita vers les marches, qu'il gravit au pas de course. Oui, il nous plantait là, sans réponse, avec cinq mots comme salutations.

"C'est pas comme si on pouvait aller quelque part", grommela Étienne qui gardait les yeux sur le bas de la cage d'escaliers.

Je m'adossai au mur de la cellule. Je chassai de mon visage les boucles rebelles qui venaient m'importuner.

"Vous avez vu comme moi ce que j'ai vu, pas vrai ? demandai-je à mes amis.

-Ouais, répondit doucement Amandine.

-Il est vivant", ajouta Ludovic.

Sans mes alliés pour confirmer, mon cerveau trop rationnel ne croirait pas ce que mes yeux avaient pourtant vu. Est-ce que Léo nous avait cru morts aussi ? J'avais tellement de questions à lui poser, mais il s'était enfuit comme un lapin !

Au bout d'un long moment, des éclats de voix raisonnèrent en haut des escaliers. Le petit chauve, accompagné du haricot à qui j'avais cassé les bras et de deux autres types que je ne connaissais pas, descendit les escaliers.

Les voyants'approcher de nos cellules et en ouvrir les portes à la volée, je me redressai, tous les sens en alerte, prête à leur retourner une droite s'il le fallait. Bon sang, Léo, qu'avais-tu fait ?

"Le chef veut vous voir", maugréa en guise d'explication une espèce d'armoire à glace sur pattes.

Je m'imaginai déjà face à un type patibulaire, qui allait nous plonger la tête dans une bassine d'eau jusqu'à ce que nous avouions d'où nous connaissions Léo. Je me pris à maudire notre ami revenu d'entre les morts.

L'un de nos geôliers saisit mes deux poignets d'une main et abattit la seconde sur mon épaule avec une force telle que je chancelai. J'étais prête à parier que le principal but de mon guide était de faire de la farine avec mon omoplate...

Les quatre brigands nous menèrent en haut des escaliers. Nous débouchâmes dans une vieille bicoque insalubre qui portait quelques maigres signes d'habitation. On nous conduisit ensuite à l'extérieur. Nous traversâmes un minuscule village. Les gens dans les rues nous regardaient passer d'un air méfiant. C'était le comble. N'étions-nous pas ceux qui s'étaient fait attaqués et séquestrés ?

EPIDEMIA - IWhere stories live. Discover now