Chapitre XV : Le meilleur et le pire

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La porte était close. Je saisi la poignée et ouvris.

Amandine était là. Dans ce petit bureau jonché de papiers et plongé dans la pénombre, seulement éclairé par une minuscule bougie car le courant était coupé, le front collé contre la fenêtre.

"Si c'est pour me dire de venir manger, j'ai pas faim, soupira-t-elle en entendant les gonds grincer en pivotant.

-Je n'étais pas venue pour ça", répondis-je.

Elle se tourna. Elle avait l'air surprise. Elle haussa les épaules.

"Alors, quoi ? C'est Axel qui t'envoies pour s'excuser ?

-Axel n'a pas besoin de s'excuser."

Mon amie eut un rire sombre.

"Tu crois ça ?"

Elle se détourna à nouveau, et regarda par la fenêtre. Dehors, il faisait nuit, et la pluie s'écrasait contre les carreaux avec un bruit caractéristique.

"Si je retrouve ce type... Je lui ferais payer."

Je n'avais rien à répondre. Il aurait fallu que je tente de la persuader du contraire, mais je n'en avais pas envie, pas le courage. Quand bien même, si je l'avait fait, elle se serait entêtée dans son projet de vengeance. Nous avions vu ce que cet homme aux yeux de serpents avait fait. Il ne méritait pas mieux.

"Il avait encore raison, marmonnai-je ensuite.

-De quoi tu parles ?

-Rosley disait qu'on allait regretter de l'avoir emmené avec nous."

Même si je savais au fond de moi que j'aurais regretté aussi de l'avoir abandonné, et qu'elle serait morte tout aussi sûrement, au final.

"Je sais même plus ce qu'on est sensé faire, avoua Amandine.

-Je pense que le plan n'a pas changé. On survit. On fait ce qu'il faut pour.

-T'as sûrement raison. On survit à sept. Et c'est tout."

Oui, c'était tout. Parce que peu importe ce qu'on faisait, nous ne parvenions pas à garder en vie ceux qui nous côtoyaient. L'humanité avait beau dos. Vouloir aider des vivants n'apportait que la mort.

Il y avait un vieux fauteuil dans le bureau. Je m'y assis. Amandine ne bougeait plus. Je voyais seulement ses doigts, que la bougie baignait d'une pâle lueur orange, crispés contre le bord de la fenêtre.

J'étais fatiguée. Je m'appuyai contre le dossier matelassé. Je regardai la pluie finir sa course contre la fenêtre en fines traces transparentes, dans lesquelles se reflétait la flamme de la bougie. Avant de m'endormir.

Quand j'ouvris les yeux, j'étais seule dans le bureau. La bougie était éteinte, il n'en restait qu'un ou deux centimètres et une mèche presque entièrement calcinée. Le jour s'était levé.

Je sortis de la pièce et me dirigeai vers la cuisine, un étage plus bas, d'où j'entendais qu'on parlait.

"On est plus très loin de notre rond-point...", disait Étienne quand je passai la porte.

Mon entrée coupa court à ses propos.

"Oh, bonjour", me salua-t-il.

Je lui rendis son salut. Tout le monde était là, à l'exception d'Amandine. Quand j'interrogeai mes camarades, Ludovic me répondit :

"La dernière fois que je l'ai vu, elle était en train de faire les cents pas dans le salon."

Je perçus l'insistance de son regard.

EPIDEMIA - IWhere stories live. Discover now