Chapitre X : Lésion et Poison

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"Alors, qu'est-ce qu'on fait ?"

Je dus me gifler intérieurement pour me forcer à baisser les yeux sur Étienne, assis sous une fenêtre, un coude posé sur son genou.

"Et tu veux qu'on fasse quoi ? demanda Amandine d'une voix éteinte.

-J'en sais rien... On reste ?

-Tu pourrais rester ici, maintenant ?

-Non..."

J'étais en colère. Je m'étais mise à en vouloir à tout le monde sans raison. Aux zombies d'avoir réussi à passer, bien sûr. Mais aussi aux autres de n'avoir pas pu se défendre. A nous-mêmes, qui n'avions réalisé cette expédition dans le seul but final de voir tous les autres disparaître. A Rosley, d'avoir eu raison sur toute la ligne. A moi, surtout, d'être tellement incapable.

J'envoyai un coup de pied dans une chaise renversée. J'avais envie de hurler. Mes doigts crispés contre ma jambe menaçaient de percer mon jean.

"Qu'est-ce qu... !

-Pourquoi tous ceux qui nous approchent finissent par crever ?" explosai-je.

Amandine me dévisagea, mâchoire serrée. Fanny secoua la tête.

"Ça n'a rien à voir avec nous... marmonna-t-elle.

-Ben je vais finir par le croire. Est-ce que ça vaut encore la peine de se battre, maintenant ?"

Mes propres mots me frappèrent et me ramenèrent quatre jours en arrière, le soir où j'avais parlé avec Thomas. La même problématique, remise au goût du jour...

"Si ça vaut la peine ? répéta Ludovic qui, assis par terre, se balançait de gauche à droite, les yeux perdus dans le lointain. J'ai envie de dire que si on abandonne maintenant, on ne le saura jamais, tu crois pas ?"

Je déglutis et passai une main dans ma tignasse, tentant de respirer un bon coup. Il avait raison. Cela aussi, ça m'énervait. Je m'énervais, je pensais tout connaître mieux que tout le monde, jusqu'à ce que le premier venu m'annonce que ce n'était plus aussi simple. Ou plutôt, que tout était trop simple.

"Je ne veux pas rester là, soupira Axel en se relevant.

-Moi non plus, répondit Fanny.

-Je veux sortir", ajouta Étienne.

Les autres hochèrent la tête, les lèvres pincées et se dirigèrent un à un vers les escaliers pour redescendre.

Je ne bougeai pas, debout au milieu de la pièce. Amandine s'approcha de moi pour me faire face et posa une main sur mon épaule.

"Ce n'est pas notre faute, assura-t-elle. Ni la tienne, ni celle de qui que ce soit. Compris ?"

Je levai les yeux et eus un petit signe, marquant mon approbation, et elle m'entraîna à l'extérieur.

Dehors, un oiseau chantait depuis l'un des toits qui bordaient le lycée. Quelle ironie. La nature clamait son bonheur quand nous enchaînions les échecs.

"Et maintenant ? demanda Ludovic.

-Je propose qu'on fasse le tour des maisons aux alentours, proposa Rosley, la mine sombre. On trouvera peut-être de quoi tenir plus longtemps. Des réserves d'eau, de nourriture..."

Cela nous semblait plutôt bien. Tout du moins, mieux que de rester ici à se lamenter comme j'étais tentée de le faire.

•••

Ainsi, nous ouvrîmes (ou plutôt défonçâmes) la porte d'une première maison, à l'ouest du lycée. Le parquet grinçait sous nos pas. Les meubles étaient déjà couverts d'une fine pellicule de poussière, ce qui me fit penser que cette habitation n'était plus occupée depuis un bon moment. L'endroit avait une odeur de vieux, de renfermé. Il n'y avait rien d'intéressant, pas même une minuscule boîte de conserve. Alors nous ressortîmes. Et pénétrâmes dans la suivante.

EPIDEMIA - IWhere stories live. Discover now