Chapitre XXIX : Sans explications

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Il faisait atrocement froid. Je sus cela avant même de comprendre que j'avais été assommée. Je n'osais pas ouvrir les yeux. Pendant plusieurs secondes, je me fiai seulement à ce que je pouvais entendre, palper et sentir. A vrai dire, il n'y avait presque aucun son perceptible. Mais je devinais que j'étais allongée sur une surface solide, dure et très inconfortable. L'endroit était imprégné d'une odeur de renfermé, d'humidité.

Je devinai des chuchotements. Ce fut sûrement ce qui me poussa à enfin ouvrir les yeux. Je mis plus longtemps à me redresser, j'avais l'impression que ma tête pesait une tonne. J'effleurais du bout des doigts la base de mon crâne. Cela suffit à me faire grimacer. Cependant, à travers ma tignasse, je ne pouvais déterminer s'il s'agissait d'une plaie ou d'une bosse. J'ignorais qui m'avait assommée, mais je lui aurait bien collé mon pied-de-biche dans le front, pour voir sa réaction...

"Héloïse ?"

Je tournai si rapidement la tête que ma nuque me menaça d'un torticolis. Amandine était assise, dans le même état que moi, à quelques mètres de là. Mais alors que j'aurais voulu la rejoindre, je réalisai que le grillage de la cellule dans laquelle j'étais enfermée serait un obstacle...

"Depuis combien de temps est-ce qu'on est enfermés là ? demandai-je, fébrile, cramponnée à l'entrelacement de fils métallique comme si ma vie en dépendait.

-J'en sais rien, répondit mon amie avec un soupir. Je me suis réveillée il y a tout juste cinq minutes... Et les autres sont dans un sale état..."

Je me tournai vers l'intérieur de ma cellule -cela ressemblait d'ailleurs plus à un chenil qu'à une véritable prison. Ludovic était inconscient par terre. Son nez tordu témoignait encore de son altercation avec les vandales et la totalité de sa mâchoire était masquée par du sang séché. Dans la cellule d'Amandine gisait Étienne, qui paraissait avoir été jeté contre le mur sans aucune considération. Une troisième geôle était installée au fond de ce qui me paraissait être un sous-sol. J'y distinguai la silhouette avachie d'Édith. Au moins, tout le monde était vivant. Si les bandits nous gardaient en cage, cela signifiait que personne n'était mort. La question était : pourquoi nous avoir laissé en vie ?

Je me relevai en me tenant au grillage et m'avançai vers la porte de ma cellule. Je ne m'acharnai guère longtemps dessus, le métal se montrait bien plus résistant que moi et mon corps vulnérable. Vidée des quelques forces que j'avais à peine recouvrées, je me laissai tomber au pied de la grille, la tête dans les mains.

"Mais qu'est-ce qu'ils veulent de nous ? grommelai-je. Ils nous ont déjà pris tout ce qu'on avait, qu'est-ce qu'il leur faut de plus ?

-Ils espèrent peut-être qu'on les rejoigne, tenta Amandine.

-Alors ils feraient bien de me tuer maintenant, ce sera plus rapide..."

Je refusai de me laisser enfermer de la sorte. Il me fallait trouver un moyen de m'évader de cette prison de pacotille. Je rampai en direction de Ludovic. La vue de son nez cassé me donnait envie de lui remettre droit d'un coup, mais mon expérience en tant que médecin n'était pas brillante et je préférai le prendre par l'épaule pour le secouer rudement.

"Ludovic, réveille-toi, articulai-je. C'est plus le moment de pioncer ! Ludovic !"

Et je le secouai de plus belle. J'entendais dans mon dos Amandine qui devait faire subir le même traitement à Étienne.

"Crois-moi, on a assez perdu de temps ici ! continuai-je. Ludovic, bon sang, secoue-toi !"

Au moment où je levai la bras pour gifler le plus grand, ce dernier commença à ouvrir les yeux. Ma paume retomba sur mon genou et je m'écartai en soupirant. Je le regardai palper son nez d'une main tremblante et gémir. Après un long moment, il se redressa, chassa une mèche qui s'était engluée dans le sang sur la partie inférieure de son visage et me dévisagea. Il ne semblait pas comprendre ce qu'il faisait face à moi dans une prison improvisée au beau milieu d'un sous-sol. Son demi-sourire ne dura qu'une seconde, je supposai que stimuler ses muscles faciaux devait réveiller la douleur dans son nez. Il dirigea un doigt vers sa tête et s'enquit d'une voix sonore :

EPIDEMIA - IWhere stories live. Discover now