Chapitre 30

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Marion

Je n'en reviens pas, il l'a fait. Je pensais vraiment qu'il rigolait et qu'il ne ferait jamais de mal à qui que ce soit. Même s'il a frappé un innocent qui n'a rien demandé, je ne peux pas cacher ma joie intérieure. Son geste me prouve juste que peut-être bien qu'il disait une part de vérité dans toutes ses paroles. Ils ont disparu directement après, sans même que je puisse aller lui parler. Enfin, est-ce que j'y serais réellement allée ? Pas certaine. L'étape une de ma vengeance a fonctionné comme sur des roulettes. Aujourd'hui, je mets en marche la partie deux. Et la plus violente.

C'est quitte ou double, soit il en rigole, soit je m'en prends plein la gueule. La deuxième option est certaine, je risque même gros en voulant faire ça, mais il apprendra que l'on ne prend pas Marion Cooper pour une idiote. Je pourrais m'arrêter ici, aller le voir, lui parler. Mais ça changerait quoi ? Il tient plus à son travail qu'à n'importe qui d'autre, il me l'a bien fait comprendre. Le seul moyen de lui faire autant de mal qu'il m'en a fait avec ses paroles est d'attaquer directement sa place de professeur. J'ai pensé à plusieurs solutions pour arriver à mes fins : diffuser nos photos dans toute l'université, le dire à une personne stratégique qui ne pourra pas fermer sa bouche, ou alors... non, je vais garder encore un peu de suspens. Je sais aussi qu'il y a de fortes chances que moi-même je m'en prenne plein la tête de la part de nombreuses personnes, mais finalement, ça serait un bon moyen d'en rire dans quelques mois.

J'ai encore quelques heures pour réfléchir à mon plan d'attaque. Pour le moment, je dois débriefer cette soirée avec mamie pour qu'elle puisse me donner son avis sur la situation. Elle va me conseiller de ne plus me venger, mais s'il y a bien une chose que je ne vais pas arrêter, c'est bien celle-ci. Il le mérite et je compte bien aller au bout des choses.

J'ai pris la route pour Los Angeles assez tôt. Mamie m'attend dans l'un de ses restaurants favoris. On est en Amérique, et elle veut absolument manger des tacos à chaque fois. Je ne vais pas lui enlever son plaisir, mais mon estomac a de plus en plus de mal à supporter les plats épicés. Sa phrase préférée, c'est « mais non, celui-ci, il n'est pas fort, tu verras ». Au final, j'ai la bouche en feu au bout de la première bouchée, et mon estomac en fait des siennes pendant deux jours.

Je l'ai rejointe directement. Je sais exactement où la trouver. Elle a sa place attitrée dans un petit coin calme. C'est limite si son nom n'est pas gravé sur la table. On connaît tous les serveurs qui y travaillent. Mamie est surtout réputée pour laisser des pourboires plus que généreux. La dernière fois, le serveur lui a dit qu'elle était jolie, et elle lui a laissé cent dollars de pourboire. Heureusement que je ne fais pas la même chose qu'elle, sinon je serais déjà ruinée depuis bien longtemps.

Comme à chaque fois, assiettes de trois tacos différents et salade. Et comme à chaque fois, j'ai la bouche en feu dès la première bouchée. Mes lèvres me brûlent tellement que je ne sais pas si y laisser un peu de salive serait une bonne idée pour atténuer un peu ma douleur. Quand je vois mamie manger aussi facilement, sans rien dire, sans aucune douleur, je me demande comment c'est possible. Elle a sûrement plus de goût, oui, ce n'est pas possible autrement. C'est elle qui a lancé le sujet de Tyler et de ce que j'allais faire. J'ai à peine commencé à lui raconter le début de la soirée qu'elle a deviné la suite. Elle est médium par moments, ce n'est pas possible autrement. Qui peut deviner des choses comme celle-ci aussi facilement ? Personne, ah si, ma mamie le peut apparemment.

Au départ, elle m'a donné son avis, que je prends en compte. Puis, elle m'a demandé ce que je comptais faire. Après lui avoir expliqué que ma vengeance se termine aujourd'hui après que j'aurai réalisé un dernier petit détail, elle a passé une heure à essayer de me convaincre de ne pas faire plus. Elle ne sait même pas ce que je compte faire aujourd'hui, qu'elle essaie de m'en dissuader. Elle me connaît, elle sait pertinemment que je vais viser beaucoup plus fort que hier soir et que les dégâts vont être beaucoup plus importants.

Je sais bien que la seule chose qu'elle veut, c'est que tout s'arrange entre nous, au minimum qu'on reste dans une bonne entente. Mais ses paroles restent dans une partie de mon esprit, et elles font réapparition si souvent que l'envie de lui faire regretter grandit. Je me suis juré, après pour mon père, que je ne me laisserais plus faire. Plus personne ne pourra me faire de mal. Il mérite de regretter, et je vais le faire regretter si fortement qu'il n'aura plus jamais envie de me parler comme il l'a fait.

Après avoir souri et hoché la tête pendant un long moment, faisant comme si j'écoutais attentivement toutes ses paroles, nous sommes partis. Mamie a repris la route de chez elle, et j'ai pris ma voiture directement pour l'université. Pendant toute l'heure de trajet, j'hésitais. Est-ce une bonne idée ? Est-ce un peu trop violent ? Je suis perdue. Je ne veux pas me laisser faire, je veux le faire regretter, mais je n'ai pas non plus envie de me le mettre à dos, qu'il me dégage complètement de sa vie. Parce que malgré ses paroles, ces derniers mois près de lui m'ont fait du bien. Je me sentais bien et en sécurité, et ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas ressenti un sentiment comme celui-ci.

Je ne passerai jamais avant son travail, alors je dois provoquer un éboulement là-bas pour espérer passer avant. C'est quitte ou double, mais je dois prendre ce risque. S'il n'a pas dégommé le mec hier soir juste pour se donner une conscience, il devrait réagir à mon prochain coup et il devrait le comprendre. Et sinon, je passerai à autre chose. Je trouverai quelqu'un qui veut réellement être près de moi et qui fera passer son métier après moi.

Une fois garée, j'hésite encore. J'ai peur, oui, j'ai peur de toutes les conséquences qu'il va y avoir. Il en aura, et elles me font peur. J'ai assez vécu dans la peur petite, je vais y aller et je vais le faire. Je prends mon courage à deux mains, je sors de ma voiture, marche vers l'entrée de l'université, et me retrouve devant le bureau de la principale. Je veux retourner mes talons et partir. Trop tard, la porte s'ouvre et elle est face à moi, me demandant si j'ai un souci. Je pourrais encore reculer, mais non, je la suis et j'angoisse à l'idée de lui parler. Aucun mot ne sort de ma bouche. Elle est assise à son bureau, moi face à elle. On se regarde dans le blanc des yeux, son sourire me met en confiance, mais je flippe.

- Marion, dit-moi ?

D'un coup, tout sort, je lui déballe toute l'histoire et je lui en donne les preuves, les photos que mon père avait envoyées chez Tyler, se retrouvent entre les mains de ma principale. Elle me questionne, et je lui raconte absolument tout, surtout le pourquoi je me retrouve ici à lui expliquer tout cela. Si je n'avais pas parlé, personne n'aurait su, elle me l'a dit elle-même. L'année étant terminée, elle ne peut pas le renvoyer, et l'année prochaine, je ne serai plus dans cette université. Mon plan est définitivement chaotique. Elle vient de voir des photos plus que déplacées et elle ne pourra même rien faire. Si je pouvais me transformer en souris et partir, ça m'arrangerait grandement.

Elle ne peut rien faire ? Alors que l'année prochaine, il pourrait très bien coucher avec une autre de ses étudiantes ? Je ne comprends pas. Elle doit sentir dans mon regard que je suis désespérée de la situation, que je ne suis pas venue ici pour mon plaisir. Elle finit par me dire qu'elle va le convoquer, qu'il sera mis au pied du mur et qu'il va devoir s'expliquer. Elle ne peut pas le virer, mais elle lui fera bien comprendre que c'est inadmissible et que ça n'a pas intérêt à se reproduire.

Je quitte son bureau, une quarantaine de minutes après y être entrée. Je ne suis pas convaincu de la conversation qu'on vient d'avoir, mais je le serais vite, il ne manquera pas de m'écrire pour m'incendier. Normalement, s'il n'a pas envie de me tuer. Je ne sais même pas comment je pourrais me justifier auprès de lui, s'il me demande des explications. Pourquoi c'est toujours moi, qui me retrouve dans des situations aussi grosses que celle-ci. Pourquoi pas les autres, non, toujours moi, Marion, Marion et encore Marion.

Il ne manquerait plus que mon père refasse son apparition pour que je me retrouve vraiment dans une situation de merde. C'est limite, Tyler qui va lui passer un coup de téléphone pour se venger de ce que je viens de faire. Ils vont finir par s'y mettre à eux deux pour me pourrir la vie.

"Tu te fou de moi ? La principale vient de m'appeler !"

Mon arrêt de mort est signé. Je ne vais ni ouvrir, ni répondre à ce message et tous les autres qu'ils pourraient m'envoyer. L'ignorance sera la meilleure solution. Et si je me retrouve à être harcelée par ses appels et messages, hop, j'éteindrai mon téléphone, et comme ça, plus aucune notification.

Just my TeacherWhere stories live. Discover now