Chapitre 26

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Marion

Ses paroles tournent en boucle dans ma tête depuis plus de trois semaines. Je n'arrive pas à m'en défaire, il ne peut avoir pensé ça après tout ce que j'ai dit sur moi, toute la confiance que lui ai accordée. On rajoute à cela que les chimios me fatiguent de plus en plus, je passe des heures à l'hôpital attaché à une fichue machine. J'ai passé ces derniers mois à faire des allers-retours entre l'hôpital, l'université et ici. Pourtant, tout semblait si simple quand je savais que je passerais ma soirée avec lui. D'un coup, je ne pensais plus à ma maladie, ni à aucun autre problème.

Jamais je n'aurais dû cacher l'existence de ces photos et le chantage de mon père. Mais j'avais tellement peur de sa réaction que tout s'arrête, et finalement, c'est tout de même arrivé, et je m'en suis pris plein la tronche avec des propos que je ne peux m'enlever de l'esprit. Et si c'était la réalité ? Si j'avais juste été son plan cul depuis le début. Cette histoire me ronge de l'intérieur et je ne peux rien y faire, à part apprendre à vivre avec ça.

J'étais tellement mal ces dernières semaines que j'en ai carrément écrit le début d'une chanson. Je joue de la guitare depuis toute petite, alors j'ai juste mis des mots sur des airs de guitare. Ça en est devenu une échappatoire, me permettant de me vider la tête d'une façon sympa et de ne pas casser tout ce qu'il y a autour de moi quand la colère arrive soudainement, sans que je m'y attende. Le problème, c'est qu'il me manque, oui, il me manque, et ça m'agace de savoir qu'il a réussi à pénétrer dans mon cœur et d'en prendre une place aussi grande. Être amoureuse de son professeur, quelle idée idiote aussi.

J'ai passé ma matinée à aider ma mère à mettre la table pour ce soir, entre verres à vin, verres pour les boissons softs, et assiettes pour les enfants. Je ne sais même pas de quel côté va le couteau et la fourchette, alors le reste n'en parlons même pas. Mamie s'est mise en tête de faire des tartes au citron maison, ainsi qu'un poulet au curry comme si on avait le temps pour ça aujourd'hui.

L'autre moitié de la journée, j'ai aidé mamie en cuisine. Elle me parlait de son amie Marta, mais je n'écoutais qu'à moitié. Mes pensées sont ailleurs, je ne fais que penser à lui. Tyler est partout dans mon esprit, et malgré ses paroles, je n'arrête pas de continuer à fantasmer sur lui. Je ne suis pas normale, ce n'est pas possible autrement. Il n'a pas joué, pas vrai ? Il n'aurait pas fait semblant depuis le début pour rien, ou peut-être bien que si ? Et le week-end à New York, personne ne ferait ça juste pour un plan cul.

- Mon lapin, Marion, tu m'écoutes

Si je voulais être discrète et faire semblant de l'écouter, je crois bien que je viens totalement d'échouer lamentablement. Je lui adresse un sourire pour lui faire croire que oui, elle a contenu son histoire, mais cette fois-ci je l'écoute un peu plus. Cependant, une partie de mon cerveau ne veut pas arrêter de penser à Anderson, et ça, c'est particulièrement énervant. Mamie me raconte toute une histoire avec Marta, qui la fait bien rire à la limite d'un fou rire, je dirais. Et là, alors que je suis à la limite de m'endormir avec son histoire, papi rentre dans la pièce, un rire que je ne peux contrôler sort de ma bouche. Il est plein de boue, le visage plein. Mamie suit dans mon fou rire absolu, alors que je prends mon téléphone pour immortaliser ce moment incroyable. Alors qu'il nous explique qu'il a voulu faire rentrer les courses, qu'il a glissé la tête la première dans la flaque de boue, nos rires deviennent de plus en plus incontrôlables et puissants. Patrick et maman finissent par arriver après un petit air surpris, eux aussi partent en fou rire. Papi nous dévisage, ce qui nous fait encore rire davantage. Il part vexer en haut pour se doucher et se changer. On a dû mettre bien cinq minutes à se calmer après qu'il soit monté. L'avantage, mamie a arrêté de me raconter son histoire avec Marta, on a pu terminer de tout préparer et il était temps, on y est depuis treize heures et il est dix-sept heures trente.

J'ai très vite filé dans ma chambre avant qu'on ne me demande de faire la vaisselle. Ce soir, la tenue sera simple, enfin pas vraiment. Une combinaison pantalon moulante en corset de couleur noire, des baskets, un chignon coiffé-décoiffé, très peu de maquillage, et puis ça fera l'affaire. On ne reçoit pas la reine d'Angleterre non plus.

J'aurais dû prendre beaucoup plus de temps pour me préparer. J'entends mon prénom résonner dans la maison, c'est papi qui souhaite que je l'accompagne en ville pour récupérer des petits trucs pour ce soir. Je ne vais pas refuser si je peux m'éviter les histoires très peu intéressantes de mamie. Ni une ni deux, je monte dans la voiture et on part pour le centre, à quinze minutes en voiture de la maison. Maman et mamie nous ont fait une liste des choses à récupérer pour qu'on n'oublie rien, à croire qu'on a aucun cerveau pour retenir quatre petites choses. Récupérer les apéros, c'est fait. Un colis, c'est fait. Chez le traiteur, c'est fait. Et chez Sephora aussi. Aucun sens cette liste, à croire qu'elles n'auraient pas pu s'en occuper demain dans la journée, enfin bon.

- Un petit détour ça te dis ?

Quand papi propose un détour, c'est qu'il a une connerie en tête, et qui serais-je pour refuser ? J'accepte avec un simple sourire et un hochement de tête. Il fait demi-tour et retourne dans le centre et se gare. Je ne sais pas où il veut aller, mais je sais déjà qu'on va se faire engueuler en rentrant, mais pas grave. On est allé dans un bar-restaurant. Est-ce qu'on a commandé à manger ? Absolument. Est-ce qu'on va se faire tuer ? Absolument.

On a mangé un repas entier, entrée, plat et dessert, avec les verres de vin qui allaient bien avec. Des amis à papi se sont rajoutés en surprise, et de là, c'est parti en n'importe quoi. On avait un petit coup dans le nez, je ne m'en cache pas.

Pour tout dire, on a même terminé sur la piste de danse à faire une tonne de danses sans même penser à l'heure qui tournait et qu'on pouvait nous attendre depuis déjà plus de deux heures, beaucoup trop occupés à boire des shots, à rire et danser. Quand je finis enfin par prendre mon téléphone, 18 appels manqués, 25 messages. J'ai bien dû obliger papi à rentrer, à pied, parce qu'aucun de nous n'est en état de rouler. Bourré mais pas tellement, juste trop si on se fait contrôler au volant.

Quarante minutes pour rentrer à pied, mais on a fini par arriver devant la porte sachant pertinemment qu'on allait se faire massacrer. On respire un bon coup avant de rentrer dans la maison et de rejoindre la salle à manger. Mon cœur fait un arrêt en voyant Tyler et sa famille. Tous les yeux sont rivés sur nous, et deux regards très, mais alors très, noirs, pendant que d'autres se retiennent de rire.

- Curieux de voir votre excuse

Deux choix s'offrent à nous, mentir ou dire la vérité. Bien que mentir va être compliqué.

- Très bien, on a fait un arrêt en ville

- Non, n'avait pas remarqué, tiens. Vous avez récupéré ce qu'on vous a demandé ?

Mes yeux s'écarquillent toutes seules en pensant que la voiture est en ville avec tout ce qu'on a récupéré. Elles voudraient nous tuer, ça c'est absolument sûr.

- Récupérer, oui, mais la voiture est en ville

- On a peut-être un peu bu

- Et manger aussi

- Papi

Lui donner un petit coup de coude, pour qu'il arrête de tout dire, elles sont déjà assez en colère pas besoin d'en rajouter davantage.

- Assis, vous allez manger

- On a diner, chérie

- Mais je m'en fous

Avec papi, on se regarde, sachant pertinemment qu'on va souffrir. Alors, après avoir dit bonsoir à tout le monde, on s'est assis. Le petit sourire en coin, d'Anderson, il est violent, oui.

Just my TeacherWhere stories live. Discover now