❁𝟔𝟑

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Christopher avait tout donné sur scène, guitare en main, micro à la portée de ses lèvres, ses cordes vocales avaient fait vibrer le podium. Pour leur première performance, son groupe et lui avait interprété quelques morceaux locaux en laissant de cote l'américanisation qu'ils avaient tous été victime; Christopher avait suggéré d'embrasser les couleurs locales du pays afin de conquerir le cœur du peuple. Il n'avait pas hesité, à ajouter son originalité dans des chansons populaires de Lionel Benjamin, du groupe kasav, de Tabou Combo, de Robert Martino, de T-corn, de shleyshley ou des difficiles de Petion-ville, Il avait slamé sous des sons antillais des écrits d'Oswald Durand , de Massillon Coicou et d'Antony Phelps. Le public s'était enjaillé, ambiancé et en redemandait encore. Comme un instrument, il avait maîtriser les techniques pour faire sortir ce qu'il avait envie d'en faire sortir, et exprimer ses émotions. Il en avait tiré du positif dans ses nombreuses répétitions, ses compositions, ses enregistrements et maintenant ses concerts. Une aventure exceptionnelle pour ce féru de musiques antillaise, de jazz, classique et de pop-américaine. Après une telle performance, son groupe rentra à l'hôtel et lui il choisit de faire une promenade dans les environs. Il marcha à travers les routes blanches, chaudes et pierreuses qui montaient et qui descendaient, bordées de bayahondes verdoyants branlantes et brimbalés par le vent sec de la région ! Quelques passages d'ânes, de mulets ou de chevaux brinquebalaient leur passagers et difficile de ne pas apercevoir les volumineuses mamelles de cette commère qui broutait un biscuit et qui n'hésita pas à lui saluer...

- Onè ! Lui dit la dame aux grands seins de mitraillette

- Bonsoir...Je veux dire Respè. Se corrigea-t-il une main sur le torse.

Il rit un peu. Attend qu'il explique la poitrine de cette femme à Nicolas se dit-il, tandis qu'aux alentours on entendait les joyeux propos des passagers rustauds en dépit de cet air de seize heures torrides qui engourdissait le cosmos. Ses pensées prirent goût à l'aventure et délestèrent un moment sa vie dorée du Palais. La route fait le gros dos, et déboucha sur un paysage où des frondaisons de manguier ouvraient largement un lit, au fleuve vert des cannes à sucre. Les
belles provinces de Cazale ! Magnifique. Sa ballade finit par le conduire vers une petite ambiance Sous couverture, où un nombre d'hommes bien bâtis et de femmes enveloppées dans leur robe carabela, foulard assortie à la tete, ils chantaient et jouaient des morceaux musicales endiablés. Un grand saule couvrait la majeure partie du toit forgé de bois et de tôles de son majestueux feuillages. Attiré par une telle fièvre, il ne se gêna aucunement et se mêla parmi eux, parmi ses habitants réunis. Il saisit une guitare et fit jouer quelques agréables accords pour le grand plaisir de ses hommes, femmes et enfants cadençant en konbit. Un café peyi coulait à flot, d'autres préféraient le thé de gingembre et deja le liquide brulant circulaient dans quelques gòdèt emaye , Anba tonèl kay Madame Karoline, un bon tchaka mijotait sur le feu, deux marmites de riz blanc s'etouffait, des biskwit ,du maïs boucané et de l'avocat mais aussi un pam-pam de tambours rythmiques, de mandouba sous les rayons tièdes de quatre heures de l'après-midi...

Cependant au cœur de cette belle ambiance qui tournait à l'euphorie locale. Comme la détonation d'une boulette canon, un bruit sourd mit le cœur de tout le monde anba pla pie yo. Des fumées noires se confondaient aux nuages et empoisonnaient l'environnement, des cris de terreurs fendaient l'air et des "kouri" , "sak pase " "pran la fuite " "soti pa la" raisonnaient dans leurs tympans à tous. Christopher prit refuge sur le large saule qu'il grimpa facilement. De là, il pouvait être spectateur de ce bref moment de festivité tourné en cauchemar. En moins d'une seconde, c'était la panique générale. Près de cinq cents soldats et Makouts envahirent les zones, mirent le feu à plusieurs maisons et violèrent un nombre indéterminé de femmes locales. Christopher garda son sang-froid touts de même bouleversé par ce brusque revirement de situation ! Les bourreaux ne tardèrent pas à se rapprocher de l'espace Anba Tonel où ils se trouvaient et la tuerie s'amplifia ! Il vit les horreurs là sous ses yeux immobiles. Il vit le nombre de femmes et de jeunes filles violées, plusieurs familles ont été entièrement massacrées là sous ses yeux . Par ailleurs, quatre-vingt deux maisons ont été pillées et incendiées, le bétail tué ou volé, et les soldats qui demeurèrent dans le village ont plus tard forcé les femmes à danser et à « célébrer la victoire » de ces premiers. Totalement sous le choc, lorsque finalement il put tracer son chemin pour rentrer à l'hôtel, il n'entendait que des complaintes, des gémissements et des larmes. En lui, une rouge souffrance, un grand cri. Il rentra totalement assommé comme si on enfonçait un couteau sous sa chair. Les flammes de l'enfer seraient-ils pires ? Il avait pleuré. Pleuré de rage, de colère. Rashid Bozak, le guitariste du groupe se précipita vers lui.

.𝐎𝐮𝐭𝐬𝐢𝐝𝐞𝐫.Where stories live. Discover now