9 Hans

40 4 85
                                    

Contrairement à ce qu'il avait craint, l'Institut pour la Santé Mentale de Mannheim, d'ailleurs situé plus près de Karlsruhe que de Mannheim, ne lui opposa aucune sorte de résistance administrative – dans les méandres bureaucratiques allemands, cela relevait d'une sorte d'intervention divine – et accepta de le mettre directement en relation avec Laurentz dès sa première tentative de contact. Cela lui évita un aller-retour inutilement long, car Karlsruhe était certes bien plus proche que Stuttgart mais la Mercedes, en bien piteux état depuis son séjour dans le potager, n'aurait probablement pas supporté un trajet aussi important sans rendre l'âme. Quelque part, la docilité de l'asile à lui passer leur neurologue résident était décevante. Débarquer en trombe au milieu d'un établissement tranquille pour en persécuter tout le personnel le temps d'une journée aurait été plutôt divertissant. Il ne l'avait plus fait depuis son arrivée fracassante ici-même. Et au moins, il aurait pu amener la gamine en dehors de l'Institut, même si ce n'était que pour un temps limité.

À l'autre bout de la liaison téléphonique, l'Hauptsturmführer Laurentz se révéla aussi sec et expéditif qu'il l'avait imaginé. Il ne posa aucune question superflue dès que le nom et le grade de Vogt furent prononcés, ni sur l'identité de la patiente, ni sur les raisons qui poussaient l'officier du SD à agir ainsi, se contentant d'informations minimales, à savoir le lieu et le jour de son intervention. Il demanda également s'il pouvait amener un infirmier, ce qu'il lui refusa. Cela parut le perturber bien plus que le fait qu'on le sommât de se trimballer avec du matériel médical expérimental à quatre-vingt kilomètres de son lieu d'exercice et en pleine nuit.

— J'ai besoin d'un infirmier formé à la procédure, insista-t-il.

À cause de la qualité médiocre, sa voix étouffée prenait de drôles d'intonations métalliques.

— Nous avons trois infirmiers sur place, répondit Hans. Ça devrait aller.

— Oui, certes, grinça Laurentz. Mais ils ne sont pas formés à la procédure.

— Et c'est difficile à saisir, si vous l'expliquez ? demanda-t-il.

Il y eut un silence. L'autre devait réfléchir.

— Non, finit-il par lâcher. Si vous êtes chir, vous n'aurez aucun mal à m'assister.

— Sans façons, dit-il sans y mettre les formes. La nuit, je dors. Je vous donnerais un infirmier très compétent, ne vous en faites pas.

— Si vous voulez, répondit Laurentz.

Il avait encore quelques jours pour décider lequel ça serait. Clairement pas DeWitt. Elle et Muller étaient copines et il n'avait aucune envie de lui donner un prétexte supplémentaire pour le détester encore plus qu'elle ne le faisait déjà. Baumgartner était relativement compétente, mais habituée aux petits bobos, si bien qu'il craignait qu'elle ne soit pas à la hauteur. Hoffmann, quant à lui, ce n'était même pas la peine d'y penser. Il enverrait plutôt Dahlke, après s'être assuré que celui-ci serait capable de fermer sa grande bouche, ce qui était loin d'être gagné.

— ... tarentules, acheva alors la voix lointaine de Laurentz.

Il se rendit compte qu'il n'avait pas écouté un seul traître mot de ce qu'il venait de lui dire.

— Ça vous intéresse ? s'enquit son interlocuteur.

— Je vous demande pardon ?

— Un terrarium de tarentules. Enfin, de mygales maçonnes, plus précisément, poursuivit Laurentz. J'en ai un en trop et l'espace de travail qu'ils m'ont donné ici est beaucoup trop petit. Elles sont deux. Marlene et Frieda, qu'elles s'appellent. Vous les voulez ?

S U A H N I E BOù les histoires vivent. Découvrez maintenant