— J'ai entendu dire que la gonorrhée est un véritable problème de santé publique en Allemagne depuis la Pologne, dit la Sœur DeWitt d'une voix innocente. C'est vrai ?

— Ah bah oui, s'offensa Meyer comme s'il en était personnellement responsable. D'autant plus qu'on rencontre des souches de plus en plus résistantes. La faute à l'absence de règles d'hygiène strictes dans les bordels, qu'ils soient civils ou militaires, clarifia-t-il. Et après on nous demande de regarder ce qui se passe exactement sous les jupes des péripatéticiennes professionnelles.

— Écœurant, commenta-t-il, content de constater que le sujet initial amené par Siegler disparaissait dans les méandres de la conversation.

— Oui enfin, souffla Meyer en ralentissant afin d'éviter une anfractuosité de la route. Soulever des jupes, c'est quand même plus agréable que faire de la trauma avec les mains pleines de terre, tout le monde serait d'accord là-dessus.

— C'est moins répugnant que la syphilis, même si ce n'est pas vraiment ce que je qualifierais de sinécure, admit-il en balançant son mégot avant de remonter la vitre pour échapper au froid.

— Non mais vous, Hauptsturmführer, quoi que vous fassiez, vous n'êtes jamais content, dit Meyer. Et vous le faites savoir à tout le monde.

— Rien à voir, se défendit-il. C'est juste que les cols utérins ne me passionnent que dans un cadre strictement privé. Ce n'est pas une tare, quand même ?

Meyer éclata d'un rire incrédule et finit par secouer la tête.

— Ne parlez pas de ça, se fit entendre la voix froide de Siegler dans leur dos. Tenez vous correctement, on est en présence d'une femme, je vous signale.

— Qu'est-ce que j'ai encore dit de si offensant, Untersturmführer ? s'enquit-il en se retournant légèrement. Je suis persuadé que mademoiselle DeWitt ici présente sait ce qu'est un col utérin et l'intérêt qu'on peut y porter, même si elle n'est mariée qu'à Dieu.

— Ça n'avait rien d'offensant, dit-elle et son voisin se renfrogna. Et puis, rassurez-vous, ça fait un moment que j'évolue en terres païennes.

Elle n'obtint aucune réponse. Une dizaine de minutes plus tard, Meyer engageait la Mannheim cahin-caha dans une bifurcation à moitié enténébrée par une rangée d'arbres et Siegler repartait sur son sujet favori de la journée :

— Cette Adehlaïde, dit-il et von Falkenstein ferma brièvement les paupières.

— Non mais qu'est-ce que vous avez avec cette gamine ? s'étonna Meyer en lui jetant un regard sceptique dans le rétroviseur.

— Mais rien. Je la trouve particulièrement étonnante, c'est tout. Il est rare de voir quelque chose d'aussi pur et d'aussi aryen, de nos jours. Imaginez un peu les enfants qu'elle serait capable de fournir à l'Allemagne. La marier serait du gaspillage national. Alors que si on la mettait dans un Lebensborn dès les premiers signes de fertilité...

Ne pouvant plus se retenir, il siffla une phrase particulièrement insultante pour sa pauvre mère en austro-bavarois.

— Qu'est-ce que vous avez dit ? demanda poliment Siegler.

— J'ai dit que vous feriez mieux de vous occuper de votre propre épouse, Untersturmführer, répondit-il en essayant de conserver la même intonation cordiale que lui. Au lieu de faire des fixettes sur des jeunes filles de quinze ans.

— Ah bon, j'ai cru entendre du bairisch, pourtant. J'ai dû me tromper, ce n'est pas votre genre. Vous n'êtes pas d'accord avec moi, alors ?

S U A H N I E BWhere stories live. Discover now