neuf

15 1 0
                                    

CHAPITRE NEUF

« J'ai perdu Nathan. Complètement. Définitivement. »

* * *

Pour Thanksgiving, on prend la route direction Seattle afin de passer les fêtes chez la famille de ma mère. Ils sont irlandais et picolent toujours à mort quand on se réunit — apparement, j'ai hérité de leurs gènes.

J'ai toujours aimé les Reilly. Pourtant, cette année, je m'ennuie et je préférerais réviser plutôt que de jouer au foot dans le jardin avec mon oncle Rob — qui est bourré et qui s'est cassé le poignet dans ces mêmes circonstances, il y a deux ans.

Tandis que Noël approche, je passe presque tout mon temps libre avec Martin, Grace et Doug Gerrard. On sort faire nos courses de Noël ensemble, un samedi après-midi. Martin et moi, on a une grande conversation au sujet de l'université et du sens de la vie, en gros, pendant que Grace claque deux cents dollars en tapis de yoga bios pour ses soeurs.

Je pars en virée shopping avec Laura. Ce jour-là, je trouve une carte de Noël pour Nathan. Elle montre deux adolescents en train de s'embrasser à l'arrière d'une voiture dans les années cinquante. Je lui achète également des chaussettes en laine épaisses qui lui seront bien utile pace qu'il caille vraiment dans le sous-sol où il vit.

Ensuite, je dégote un pyjama en flanelle avec des têtes d'élans imprimées dessus dans une boutique d'occasion. Je suis certaine qu'il lui plaira. Laura remarque que beaucoup de cadeaux sont destinés à Nathan et je suis forcée d'admettre que j'ai encore craqué pour lui. Je plaisante en disant qu'après Noël, je foncerais à Centralia réclamer mon dû.

Au lycée, on a droit taux traditionnelles farces de Noël. Quelqu'un a fixé du gui au-dessus de la porte du foyer des Terminales. Je passe dessous en compagnie de Doug Gerrard, ce qui provoque les gloussements excités d'un groupe de filles. Mai bien que je ne proteste pas, Doug est trop effrayé pour m'embarrasser et la situation devient vite gênante.

S'ensuivent l'incontournable fête dans le gymnase et les chants de Noël dans le hall. Ces coutumes sont super ringardes, mais je m'en fiche. Je célèbre mes premières vacances sans drogue ni alcool et, du coup, tous ces trucs-là m'amusent.

L'an dernier, à la même période, j'étais en train de récurer des toilettes dans un pavillon de réadaptation. Alors la vie est belle.

Le 24 décembre, je me prépare tranquillement pour la messe de minuit, que mes parents ne manquent jamais, lorsque Nathan m'appelle. Je suppose qu'il veut me souhaiter un joyeux Noël. Mais non. En fait, il a des nouvelles : il déménage à Portland. Pour de vrai. Il s'est trouvé un appartement à compter du mois de janvier. Il avait mis de l'argent de côté pour la caution.

Je suis sonnée. Et heureuse aussi. J'ai un immense sourire aux lèvres. D'un côté, je me demande quelles conclusions en tirer — est-ce qu'il a fait ça pour moi ? Est-ce une vraie tentative pour qu'on se rapproche ? Et si c'est le cas, est-ce que j'ai envie, moi, qu'on devienne un vrai couple ?

Je n tarde pas à avoir une réponse.

— Il y a quelque chose que je voulais t'annoncer, me dit-il sur un ton bizarre.

— Quoi ?

Il lui faut une bonne minute pour cracher le morceau.

— Je sors plus ou moins avec quelqu'un.

— Ah bon ?

— Elle s'appelle Kirsten. Elle va te plaire. Je l'ai rencontrée ici. Elle venir à Portland avec moi.

— Attends... tu emménages... avec une fille ?

— Non. Pas encore. Disons qu'elle y réfléchit.

Je suis assise dans le salon. Je m'apprêtais à aller dans ma chambre, mais, finalement, je reste scotché sur le canapé.

— Alors, c'est... ta... copine... ta petite-amie ?

— Pas vraiment...

— Qu'est-ce qu'elle en pense, elle ?

— Je ne sais pas.

— Mais vous êtes ensemble ?

— En quelque sorte.

— Ouah, Nathan... je... je ne sais pas quoi dire.

— C'est bizarre, hein ?

— Oui, enfin, tant mieux. C'est ce qu'il te fallait.

Ma gorgée commence à se serrer.

— J'espérais que tu serais contente, avoue-t-il. Même si je n'en étais pas sûr. Je ne sais jamais trop ce que tu penses.

Je ferme les yeux.

— Oui, je suis contente.

— Comme tu n'avais pas l'air d'avoir envie de ce genre de relations... pour nous...

— Quoi ? Comment ça ?

— J'avais l'impression que tu préférais te concentrer sue tes études. Et que tu ne voulais pas avoir un fil à la patte.

Il a entièrement raison. Priorité aux études. Aujourd'hui, ça me paraît complètement idiot.

— Je la connais depuis un moment, continue-t-il. J'avais peur de t'en parler. Je craignais que tu sois jalouse...

— Je le suis, un peu. Forcément. Mais ça ne m'empêche pas d'être... tu vois... heureuse pour toi...

— Je suis désolé.

— Non, ne t'inquiète pas. Je trouve que c'est une très bonne nouvelle, j'affirme avec une voix brisée.

— Tu n'es pas trop triste ?

— Non. Il faut juste que je m'habitue à l'idée.

— Pardon, Kaylee. Je ne savais pas comment te l'annoncer...

— Ne t'excuse pas. Vraiment, je t'assure... c'est génial.

Après avoir raccroché, je consulte ma montre. Il faut que je m'habille pour la messe.

Je monte l'escalier et je vais dans ma chambre. Je suis mon rituel : je suis change de sous-vêtements, j'enfile des collants, je fouille dans mon placard en réfléchissant à ma tenue. Ma mère me hurle quelque chose depuis le rez-de-chaussée. Je réponds en beuglant un truc inarticulé, moi aussi :

— Ouais, ok !

Je tombe sur une jupe en laine grise et un gilet rouge que je mettais en Seconde. Je suis un peu vieille pour les porter maintenant. Mais tant pis. J'attrape mon chemisier blanc.

Ma mère crie de nouveau. Cette fois, je ne peux pas prononcer le moindre mot. J'étouffe subitement. Mes yeux se brouillent. Le sarment commencent à couler. Impossible de les arrêter. elles ruissellent sur mes joues.

Je lâche le chemisier et je m'écroule. Je tombe à l'intérieur du placard en arrachant la moitié des cintres. Je rest assise ainsi, à moitié habillée, des bateaux et des robes accrochées aux épaules, en sanglotant et gémissant.

Voilà. Ça y est. Ce qui devait arriver est arrivé. J'ai perdu Nathan. Complètement. Définitivement.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Where stories live. Discover now