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CHAPITRE DEUX

« Pourtant, question de sociabilité, Laura ne représente pas mon plus gros défi. »

* * *

   Le déjeuner s'annonce compliqué. Mais j'ai un plan. Je grignote un peu à chaque interclasse, en cachette. J'ai planqué mes casse-croûte dans mon casier. J'avale quelques mini-carottes, la moitié d'un sandwich, un peu de céleri avec du beurre de cacahuète et, pendant la pause de midi, je vais à la bibliothèque. Je trouve une grille de mots croisés dans le journal du jour, je l'emporte à la table du fond, je l'étale à côté de mon livre d'histoire et je fais semblant de faire mes devoirs.

   C'est une manière agréable de passer quarante minutes.

   Malheureusement, la situation se corse juste après, quand Laura Brantley me repère dans le passage couvert entre les bâtiments.

—  Hé ! Sortie de désintox ? Hurle-t-elle.

   Je feins de ne pas savoir à qui elle s'adresse et j'accélère le pas. Mais elle me court après.

— Ne fais pas la sourde oreille !

   Je continue mon chemin. Laura est une fille populaire au lycée. Nous n'avons jamais été amies, même si on traînait avec les mêmes personnes. On nous considère plutôt comme des rivales.

— Hé ! S'écrie-t-elle en me rattrapant. Alors, c'était comment ?

— De quoi tu parles ?

— Bah, tu sais, la cure.

— Qu'est-ce que ça peut te faire ?

— Je suis juste curieuse. Pas la peine de t'énerver.

— Pas la peine de crier sur tous les toits que je sors de désintox !

   Je marche vite mais elle reste accrochée à mes basques.

— Alors, tu vas y arriver, à ton avis ? Me demande-t-elle.

— À quoi ?

— À rester dans le droit chemin ?

— Je ne sais pas. On verra bien.

— Bonne chance, en tout cas. Ça ne sera pas facile.

   Je la regarde. Elle a l'air sincère, ce qui me surprend.

— Par contre, si tu décides de te remettre à picoler, tu dais où te procurer ce qu'il faut. Me dit-elle en tapotant la poche de sa veste.

— Merci beaucoup.

   Elle éclate de rire.

— Mais non ! Je plaisante ! Sérieux, je te souhaite bonne chance. Je le pense. Je finirais sans doute là-bas, moi aussi, un de ces quatre.

   Pourtant, question de sociabilité, Laura ne représente pas mon plus gros défi. Non, ceux qui vont vraiment mettre ma détermination à l'épreuve, ce sont mes trois meilleurs amis : Jake, Raj et Alex.

   Juste avant la sixième heure de cours, j'aperçois Jake qui m'attend à côté de mon casier. Je prends une grande inspiration.

— Hé, t'es de retour ! Me dit-il de sa voix détachée, tellement craquante.

— Ouais, souriais-je.

— Alors, reprend-t-il, c'était comment ?

— Moisi.

— Ouais, je m'en doutais.

   Je me sens nerveuse. Mes mains tremblent, ma gorge se noue.

   Jake ne remarque rien. Il est totalement décontracté, comme d'habitude. Il s'appuie contre un casier.

— Donne-moi des détails.

— Il n'y a pas grand-chose à raconter. Tu reçois des tas d'ordres, tu les exécutes, voilà.

— Ah ? S'exclame-t-il en promenant son regard vide dans le hall. Et sinon... C'est fini pour toi, maintenant, tout ça ? Pour de bon ?

— Je n'aurais pas besoin d'y retourner, si c'est ce que tu veux dire.

— Hmm... Alors tu peux venir te défoncer avec nous, après les cours ? Propose-t-il en reportant son attention sur moi.

   Je mordille l'intérieur de ma lèvre inférieure. Sa proposition est beaucoup trop alléchante et l'envie est beaucoup trop tentante. Mes mains tremblent davantage, je lutte pour ne pas céder. J'inspire un grand coup.

— Non, parvins-je à dire avec le peu de courage qui me reste et la gorge serrée.

— T'es sérieuse ? Tu vas vraiment décrocher ?

   Les battements de mon coeur s'intensifient, je fais tout mon possible pour garder mon regard ancré dans le sien.

— Oui... je crois. Je vais essayer.

   Je manque de m'étouffer en avalant ma salive. Jake hoche doucement la tête.

—  Dommage. Raj vient d'acheter de la colombienne. Elle déchire. Il était trop content à l'idée de te faire fumer. Il voyait ça comme un cadeau de retrouvailles, en quelque sorte.

   Comme un cadeau de retrouvailles...

   Pendant qu'il prononçait ses mots, il se penche vers moi en prenant un air sexy. Il me fait son numéro. Jake dans toute sa splendeur !

— Il vaut mieux que je passe mon tour, désolée.

   Jake plisse légèrement les yeux et m'étudie avec un air sérieux, les bras croisés sur son torse.

— Alors tu vas t'occuper à quoi, si tu ne peux pas sortir ?

— Je ne sais pas. Je vais me terrer un trou, j'imagine.

— Ça craint.

— À qui le dis-tu... soupirais-je légèrement.

— Hmm.

   À cet instant, Marisa Petrovich passe à côté de nous. Elle porte une jupe très courte.

— Salut, Marisa.

Salut, Jake, ronronne-t-elle en lui lançant un regard aguicheur.

— Bon, ok, Kaylee. On se revoit plus tard ?

— Ouaip. Tu remercieras Raj d'avoir pensé à moi.

— Pas de problème.

   Jake est maintenant en train de lorgner le décolleté plongeant d'une allumeuse de Seconde qui montre sa poitrine à tout le monde — au sens propre. Il manque de trébucher en la suivant des yeux.

   Ah ! Le lycée... ça me manquait.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Where stories live. Discover now