seize

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CHAPITRE SEIZE

« Je l'attire contre moi, je le serre dans mes bras et je l'embrasse. »

* * *

Jeudi, après les cours, je prends la voiture de maman et je vais chez Nathan pour lui dire au revoir avant qu'il ne parte pour Redland. Il m'ouvre la porte torse nu, une canette de Sprite à la main. Ses cheveux sont teints en noir. Ils luisent au soleil et il en est particulièrement fier.

Il insiste pour que je les touche. Alors je me plie à son désir et je les caresse. Ensuite, il me prend par la taille, tout sourire, me soulève et m'emmène à l'intérieur.

Je ne suis pas d'humeur à batifoler, mais je suis contente d'être là. J'apprécie laisser mes soucis derrière moi, l'espace d'un instant, pour entrer dans le monde insouciant de Nathan.

Plus tard, dans la soirée, je le conduis au Rite Aid. Il a besoin de s'acheter quelques affaires pour son voyage. On fait les andouilles dans le magasin, on s'amuse, on rit. Au moment où je m'apprête à retourner chez moi, il redevient sérieux. On discute dans l'allée, appuyés contre ma voiture.

Il me confie les dernières nouvelles concernant son père à Redland. Apparemment, celui-ci a une petite affaire. Il construit des porches et installe des jacuzzis. Il habite dans une espèce de cabane dans les montagnes qu'il a lui-même bâtie.

— Il a l'air génial, me dit Nathan, j'ai hâte de le voir.

Je hoche la tête avec un sourire encourageant. Je suis sincèrement heureuse pour lui.

— Alors tu vas rester là-bas combien de temps ?

— Je ne sais pas trop.

— Mais... plutôt trois jours, une semaine ou... plus ?

— Je ne sais pas, répète-t-il, je crois que je ne peux plus vivre chez ma mère.

— Tu ne vas pas t'installer à Redland, quand même ?

— Peut-être que si, murmure-t-il, pendant un temps, du moins.

Je tombe des nues. J'ignorais qu'il avait ce projet dans un coin de sa tête.

— Et ensuite ?

— Je ne sais pas. Je verrais.

— Tu pourrais déménager là-bas ? Définitivement ?

— Il faut bien que j'habite quelque part.

Je le dévisage.

— C'est quoi le problème avec Portland ? Tu n'es pas forcé de loger chez ta mère — tu pourrais te prendre un appartement.

— Avec quel argent ?

— J'en sais rien. Trouve un job.

Il baisse la tête et regarde ses pieds, il se met à les agiter nerveusement.

— Écoute-toi parler. J'ai l'impression d'entendre une femme mariée.

Je le fixe sans ciller.

— Combien de temps, sérieusement ?

— Mon père m'a proposé de travailler avec lui. Dans ce cas, ce serait pour tout l'été, m'annonce-t-il en relevant la tête vers moi.

— L'été ? Tout l'été ?

Je décroise mes bras et affiche une expression surprise.

— Ben oui...

— Mais est-ce que tu tiens un peu à moi, au moins ?

— N'importe quoi ! Bien sûr que oui ! Même si notre relation n'a peut-être pas le même sens pour moi que pour toi.

— Comment ça ?

Il pousse un long soupir et pivote face à moi.

— Je te trouve exigeante. Tu veux tout le temps que je t'appelle. Maintenant, tu me demandes de signer pour un boulot. J'ai l'impression que tu aimerais que je corresponde plus à l'image du petit copain parfait que se font les filles du lycée.

— Pas du tout ! Je n'ai jamais dit ça !

— Si, c'est la vérité. Toutes les filles attendent la même chose.

— Non, tu te trompes. Moi, je veux juste qu'on soit ensemble. Et voir où ça nous mène...

— Ouais. Moi aussi.

Les larmes aux yeux, je me tourne vers la voiture de ma mère. Peu à peu, je prends conscience de ce que cette conversation signifie.

— Tu disais que tu m'aimais.

— Mais je t'aime, marmonne Nathan. Ce n'est pas la question.

Les sanglots me nouent la gorge. Je suis en train de le perdre. Ici. Maintenant. Je n'en reviens pas. J'ai perdu Emily et maintenant, c'est au tour de Nathan.

Je sèche mes yeux. Nathan ne bouge pas. Il a l'air malheureux — et déterminé aussi. Rien ne pourra le faire changer d'avis.

Il est tard. Il faut que je rentre chez moi. Je prends un grande inspiration. Je renifle, je contourne la voiture en silence, et j'ouvre la portière.

— Attends ! S'exclame-t-il en me retenant.

Il veut me parler mais les mots ne viennent pas.

Une expression de grande frustration se lit sur son visage. Je me suis peut-être montrée injuste. Je lui demande de faire des choses dont il n'est pas encore capable. J'ai du mal à l'accepter tel qu'il est : un garçon foufou, adorable et un peu toqué. Pourquoi suis-je si dure avec lui ?

Je l'attire contre moi, je le serre dans mes bras et je l'embrasse.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Where stories live. Discover now