22.

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- Une revenante. Entendis-je.

Je lève le regard pour voir Kaysan, descendant des escaliers. Bien-sûr, tout le monde doit être au courant, maintenant...

- Fuir ne sert à rien avec Caleb, je peux te le garantir. Me dit-il.

Et je vois Caleb sourire face à sa remarque.

- Je te la laisse, j'ai du travail à faire. Dit Caleb en partant.

Kaysan hoche la tête puis se tourne vers moi.

- Tu as de la chance qu'il soit de bonne humeur. Me dit-il.

Je soupire. Peut-être. Peut-être que j'ai évité le pire. Je pars m'asseoir sur le canapé et Kaysan me suit.

- Tu vas mieux ? Lui demandais-je.

Il hoche la tête.

- Je n'ai ressentis qu'une petite douleur sur le moment, et c'est passé. Répond-il.

Il ne rigolait pas quand il disait avoir l'habitude... je ne me suis jamais pris de balles, mais c'est inhumain de ne sentir aucune douleur. C'est littéralement un bout de fer qui déchire la peau.

- Enfin, toi, pourquoi tu as fuis ? Me demande-t-il.

- ... Hier, Caleb a tué quelqu'un devant mes yeux. Lui expliquais-je. Et... je ne peux simplement pas faire partie de votre monde. Je ne veux pas croire que tuer quelqu'un est normal.

- C'est la règle, Syra. Tuer ou être tué. Me dit-il. Et tu sais ? L'homme d'hier est mort pour une raison. Lui et son chef voulait te vendre. Et crois-moi, être vendu à ces hommes est pire que de voir quelqu'un mourir.

Je le regarde avec un semblant de surprise et de dégoût. Cette histoire n'est peut-être pas vraie, mais savoir qu'elle est vraie pour d'autres femmes me donne envie de vomir.

- J'aurais été... vendue ? Dis-je d'une petite voix.

Il hoche la tête. Je tourne ma tête vers le côté. Je me demande si Caleb vend des gens, lui aussi. Est-ce qu'il est dans le trafic d'être humain ? Il m'a peut-être "sauvé" de ça, mais est-ce que ça veut vraiment dire qu'il nest pas dans ce trafic ? Mais je préfère ne pas savoir, parce que si c'est le cas, je ne pourrais plus jamais le regarder dans les yeux.

- Oublie ce que tu as vu, et rappelle toi seulement que Caleb te protégera de tout. Me dit-il. C'est le plus important.

- Est-ce que je vais devoir... faire pareil, moi aussi ? Lui demandais-je.

- Je ne sais pas. C'est Caleb qui décidera. Me répond-il.

Je hoche la tête puis baisse les yeux, en même temps que Kaysan ouvre la télévision. J'aurais aimé qu'il s'en aille pour que je puisse monter dans la chambre de Caleb et chercher n'importe quelle chose qui pourrait l'incriminer.

- D'ailleurs, pourquoi tes parents sont aussi calme avec cette situation ? Me demande-t-il.

Je tourne ma tête vers lui et le regarde avec incompréhension.

- Je veux dire, si mes parents étaient encore en vie et que j'étais dans ta situation, ils ne m'auraient pas laissés seul ici. M'explique-t-il. Quitte à dormir devant la porte d'entrée, ils ne m'auraient pas laissés.

Mes parents ne m'auraient pas laissés, non plus... s'ils étaient en vie.

- Ils sont comme ça. Dis-je en souriant tristement. J'ai... vécue quelque chose, à mes dix-huit ans. Et depuis ce jour-là, ils m'en veulent. Je suis devenue une déception pour eux. Alors ils ne feraient pas ce genre de chose, en tout cas, pour moi.

- Qu'est-ce que tu as vécue, à dix-huit ans ? Me demande-t-il.

Les larmes me montent aux yeux, rien que d'y penser. S'il y a une chose que je voudrais oublier, ce serait celle-là.

- ... Je ne suis pas encore prête à en parler. Dis-je faiblement.

Il hoche la tête, sans en demander plus. Si c'était dans le "script" de la vie de Syra, je n'aurais eu aucun mal à en parler. Mais là, c'est moi, Maya, qui l'ait vécue. Seul deux personnes savent ce que j'ai vécue, ce jour-là. Moi... et lui.

- Il semblerait qu'on a tous les deux des blessures qui ne se referment pas. Dit-il tristement. Qui continue à saigner, malgré le temps qui passe.

C'est si joliment mais si tristement dit. Des blessures que seul nous et notre Seigneur connaissons.

- Tu me ressembles bien plus que tu ne le penses, Syra. Dit-il doucement. Est-ce une coïncidence ou le destin ? Je ne sais pas...

Je tourne ma tête vers lui et vois dans ses yeux une vulnérabilité qu'il tentait de maquiller. Il ne se laissait aucun droit de souffrir. Il s'est renfermé encore une fois, dans cette cage, où il s'est créé comme étant invincible.

Mais en une seconde, toutes ses pensées se sont envolés. Aucune empathie, aucune sympathie, Maya. Si j'étais Maya, j'aurais pleuré dans ses bras. Non pas parce que je lui fais confiance, mais parce que pour la première fois, j'ai rencontré des yeux qui ont autant souffert que les miens. Un cœur aussi brisé que le mien.

Mais je ne suis plus Maya. Je suis Syra. Je ne peux pas le comprendre. Je ne dois pas le comprendre. J'ai souffert, oui, mais pas comme lui. Pas comme Maya. Le cœur de Syra est encore intact. Ses blessures n'ont pas pu atteindre son âme. Pas encore.

- Je... je vais remonter dans ma chambre. Lui dis-je en me levant.

Je passe devant lui et m'apprête à monter les escaliers avant qu'il ne m'interpelle :

- Syra.

Je me tourne vers lui.

- Merci. Me dit-il. Merci de m'avoir sauvé la vie.

Je lui fais un léger sourire avant de monter. Arrivé en haut des escaliers, je passe mes mains sur mon visage. Je suis sur le bon chemin... il va bientôt m'accorder sa confiance. Je ne dois pas laisser mes émotions me faire barrage et m'empêcher d'accomplir la mission pour laquelle je suis ici.

Je vais avoir la confiance de Kaysan, des frères de Caleb, de Caleb, puis... un jour, l'armée égyptienne débarquera ici. Les autorités russes ne pourront pas les en empêcher. Puis ils arrêteront Caleb. Et à ce moment-là, ils sauront tous qui j'étais réellement. L'empire de Caleb disparaîtra, et mes parents pourront enfin reposer en paix...

La Rose d'un CriminelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant