72 ~ Fuite

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– Je peux savoir où tu vas comme ça ?

Je me fige sur place et rentre ma tête dans mes épaules pour tenter de me faire toute petite. Evidemment, il fallait que je tombe sur Kenny sur le chemin des écuries. J'inspire profondément pour conserver mon calme et évacue tout stress de mon visage avant de faire volte-face. Je lance mon sourire le plus innocent à Kenny et tente moi-même de me convaincre que ce que je m'apprête à dire est la vérité.

– Je vais faire un tour à Orvud avec Gaïa pour rattraper le temps perdu, dis-je le plus naturellement possible.

Kenny fronce les sourcils et, l'espace d'un instant, je crois qu'il m'a démasquée. Mon cœur se remet à battre lorsque Kenny esquisse un rictus en coin et ébouriffe mes cheveux. Je prends sur moi pour ne pas protester et lui exprimer ma façon de penser, je déteste quand il fait ça.

– Essaie de ne pas faire trop de bêtises, ricane-t-il.

A mon tour, j'esquisse un sourire en coin pour le rassurer et ôte sa main de mon crâne.

– Tu me connais, c'est dans ma nature de m'attirer des ennuis.

J'attends quelques instants, pendue aux lèvres de Kenny, redoutant qu'il voit clair dans mon jeu et m'interdise d'y aller. Lorsque je comprends qu'il ne compte rien ajouter de plus, je lui tourne le dos et m'éloigne en sautillant joyeusement. J'ose enfin reprendre mon souffle lorsque je tourne à l'angle du couloir, disparaissant ainsi de sa vue. J'ai vraiment cru que c'en était fini de moi lorsque je l'ai entendu m'interpeler.

Ne désirant pas m'attarder plus longtemps que nécessaire ici, je trottine dans les couloirs et rejoins rapidement les écuries où Gaïa m'attend, occupée à caresser son cheval. Elle sursaute lorsque je pénètre dans les écuries et me râcle bruyamment la gorge pour lui signifier ma présence.

– T'en as mi du temps, bougonne-t-elle, qu'est-ce que t'as foutu ?

Une fois de plus, je sors mon meilleur jeu d'actrice et laisse l'indifférence transparaitre sur mon visage.

– Kenny m'a retenue un moment, il a peur qu'on se fasse un peu trop remarquer à Orvud.

Gaïa ne doute pas un seul instant de la véracité de mes propos et lâche un rire cristallin qui me procure des frissons. Ça fait des années que je ne l'ai plus entendu, et cette sonorité oubliée m'a rappelé de doux souvenirs, m'arrachant un sourire nostalgique.

– Tu m'étonnes qu'il s'inquiète, ricane-t-elle, tu es un véritable aimant à ennuis.

Nous rions de bon cœur toutes deux tout en nous mettant en selle. Comme Gaïa n'a jamais eu un très bon sens de l'orientation, c'est donc moi qui mène la danse et indique la direction à prendre. Nous chevauchons longuement tout en bavardant, rattrapant le temps perdu. En trois ans, il s'en passe des choses.

Gaïa me harcèle de question au sujet de cette longue mission qui m'a éloignée d'elle au cours de ces trois dernières années. Ses yeux brillent d'admiration lorsque je lui conte les diverses batailles auxquelles j'ai assisté. Elle me demande de lui parler de ma vie au sein du bataillon, de mes camarades. Repenser à tout ça m'enserre la poitrine et je sens mes yeux commencer à picoter. Fort heureusement, Gaïa ne semble pas relever le chevrotement dans ma voix, bien trop absorbée par mes propos.

Reparler du bataillon et de ma vie là-bas éveille en moi une drôle de sensation. C'était il y a à peine quelques jours, et pourtant j'ai l'impression que c'était il y a une éternité. Tout s'est enchainé si vite ces dernières heures, et mon semblant de paisible quotidien a volé en éclat. Finalement, je crois que je me suis attachée à ce mode de vie. J'ai flanché, j'ai fini par m'attacher à ce bataillon que je croyais tant détester.

A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022Where stories live. Discover now