61 ~ Mise en garde

1.4K 130 222
                                    

Mes pieds butent sur le sol lorsque j'arrive devant la porte du bureau major Erwin. Mes doigts se tortillent à cause du stress et mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. Etonnamment, ce n'est que la première fois que je suis convoquée dans le bureau du major Erwin, et je ne pensais pas que ça m'angoisserait autant. Je suis prête à parier que c'est le gnome qui m'a dénoncée, son ego surdimensionné a probablement dû être vexé que j'aie le dessus sur lui et que j'en profite pour l'embrasser.

Un frisson parcourt mon échine et j'effleure mes lèvres du bout des doigts pour me remémorer ce délicieux contact interdit. Après notre échange, nous avons tous deux repris l'entrainement comme si rien de tout ça ne s'était produit. Enfin, pas tout à fait puisqu'après cet incident, le gnome a retrouvé sa hargne et n'a pas ménagé ses coups à mon égard. Je ne suis plus parvenue à l'effleurer ne serait-ce qu'une seule fois tant il mettait du cœur à l'ouvrage.

J'inspire profondément pour me donner du courage avant de porter deux coups timides sur la porte en chêne. Durant quelques instants, je reste plongée dans un silence pesant uniquement troublé par les battements affolés de mon cœur. Puis, la voix autoritaire du major retentit à mes oreilles pour m'inviter à entrer. D'une main tremblante, j'abaisse lentement la poignée de la porte et pénètre dans l'immense pièce, bien plus grande que le petit cagibi qui me servait de bureau lorsque j'étais contrainte de rédiger les stupides rapports du bataillon.

Assis derrière un magnifique bureau en bois massif, le major Erwin semble préoccupé. Il est absorbé par la rédaction d'un compte-rendu et ne me prête pas la moindre attention lorsque j'entre dans la pièce. Je referme la porte derrière moi et attends bien sagement devant celle-ci, en silence, que le major daigne relever la tête. Ses sourcils sont froncés, et sa main gratte le papier à une vitesse folle, transcendé par son récit.

Après ce qui me parait une éternité, Erwin inscrit le point final de son rapport avant de reposer sa plume sur le coin de son bureau et d'enfin lever ses yeux d'un bleu glacial vers moi. Mon sang se fige dans mes veines lorsque son regard méfiant m'analyse attentivement de la tête aux pieds. Je reste paralysée comme une pauvre petite biche faisant face au plus terrible des prédateurs et sursaute lorsqu'il m'adresse la parole.

– Je t'en prie, Rose, assieds-toi.

Il m'adresse un sourire chaleureux tout en me désignant l'une des deux chaises positionnées face à lui d'un geste de la main. Les jambes flageolantes, je m'avance prudemment en territoire inconnu pour m'asseoir sur cette chaise atrocement inconfortable. L'assise en bois brut me scie les fesses au bout de quelques secondes, et je regrette amèrement qu'elle ne soit pas légèrement rembourrée d'un tissu moelleux.

– Alors dis-moi, comment vas-tu ?

Sa fausse sympathie et son sourire chaleureux ne m'inspirent pas du tout confiance. Je fronce les sourcils, surprise qu'il fasse preuve d'autant de sympathie. Je m'attendais à ce qu'il soit remonté après que le caporal lui ait rapporté l'incident lors de notre dernier entraînement. Je sens mes joues chauffer au simple souvenir des douces lèvres de Livaï contre les miennes et tente vainement de maîtriser leur rougissement.

– Bien, je crois, avancé-je prudemment.

Le major Erwin hoche faiblement la tête avant de se lever de sa chaise pour aller se poster théâtralement devant l'unique fenêtre de la pièce. Pendant de longues minutes, il observe silencieusement la cour ainsi que les quelques soldats occupés à s'entraîner. Bien que son silence théâtral m'horripile au plus haut point, je n'ose y mettre fin en protestant et préfère rester assise bien sagement sur ma chaise, le regard braqué sur mes pieds.

– Comment se passe ton entraînement ? reprend-il.

Ah, voilà la question qui fâche ... J'ai tout à coup extrêmement chaud et je deviens rouge comme une tomate, appréhendant la suite de la discussion. Troublé par mon silence prolongé, Erwin se tourne de trois quarts vers moi, quittant ainsi des yeux la cour qu'il fixait depuis un moment déjà. Son regard de glace se pose sur moi et je me sens étrangement mal à l'aise. Je pique involontairement un fard à cause de son regard inquisiteur et tente vainement de dissimuler ma honte derrière ma longue chevelure brune.

A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt