21 ~ Séjour en cellule

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– Vas-y saute-moi dessus, j'attends que ça.

– Jean Kirschstein t'es vraiment un putain de crétin doublé d'une tête de gland.

J'attrape un caillou qui traine non loin de moi et lui lance à la figure. Le caillou heurte son front et il perd immédiatement son air arrogant pour se frotter douloureusement la tête. Je ricane et me tient à nouveau les côtes en ressentant un éclair de douleur. Il faut vraiment que j'arrête de rire.

– T'es vraiment une peste, marmonne-t-il.

– Et toi t'es vraiment un pervers, surenchéris-je.

Nous nous lançons dans une interminable bataille de regards que je finis par gagner lorsque Jean détourne ses yeux noisette. Je remarque seulement maintenant qu'il a amené un sac avec lui. L'eau me vient à la bouche en espérant qu'il ait dérobé de la nourriture, ou une couverture bien moelleuse pour que je puisse réchauffer mon pauvre corps frigorifié.

– S'il te plaît dis-moi que tu as de la nourriture ou une couverture là-dedans.

Ses yeux font l'aller-retour entre son sac et moi et il esquisse un sourire. Il ouvre son sac et mon visage plein d'espoir se décompose lorsqu'il en sort un plateau en bois.

– Désolé de te décevoir mais ce n'est qu'un échiquier.

J'arque un sourcil et me rapproche de la grille pour être pratiquement collée à celle-ci, non sans grimacer à cause de mes courbatures, bien évidemment.

– Tu sais jouer aux échecs toi ? demande-t-il.

– La vraie question c'est est-ce que toi tu sais jouer avec ta cervelle de moineau ? ricané-je.

Il m'adresse un élégant doigt d'honneur et pose son plateau juste devant la grille de la cellule. Il dispose ensuite les pièces sur le plateau.

– T'as inversé le fou et le cavalier, tête de gland, me moqué-je. T'es sûr que tu sais jouer ?

Il bougonne mais remets néanmoins les pièces dans le bon ordre.

– Fais pas la maligne ou je te laisse seule ici.

Jean constituant ma seule compagnie, je prends sur moi et tente de faire preuve de sympathie. Les parties s'enchainent et je mets une sacrée raclée à Jean, ce qui a le don de l'énerver. Effectivement, il ne sait pas jouer aux échecs. Lors de notre première partie, il confondait plusieurs pièces entre elles. Après une énième défaite, Jean perd ses moyens et renverse le plateau de jeu.

– Te vexe pas, tête de gland, c'est pas grave d'être nul.

Il me lance un regard noir et j'explose de rire avant de comprendre mon erreur et de grimacer en me tenant les côtes.

– Putain j'en ai marre ! grommelé-je en serrant les dents.

Jean abandonne son regard noir et m'observe à présent avec pitié, ce qui a le don de m'irriter. Je me relève avec douleur pour me dégourdir les jambes, engourdies d'être assise en tailleur depuis aussi longtemps. Je suis prise d'un vertige et prends appui sur la grille.

– T'as vraiment pas l'air en forme la demeurée.

– Non tu crois ? J'ai faim, j'ai froid et j'ai mal partout.

Jean ramasse son jeu et le range dans son sac.

– Et tu dois rester combien de temps ici ?

Je reprends mon souffle et boitille jusqu'à mon lit pour me laisser choir lourdement sur ce dernier.

– Aussi longtemps que le caporal demi-portion en aura envie.

Jean sursaute et se retourne brusquement vers les escaliers tandis que je fronce les sourcils. Il a entendu quelque chose ? Son visage se décompose et il lâche même son sac sous le coup de la surprise. Un bruit de pas légers retentit et je me tasse sur moi-même, espérant disparaitre. Je sais à l'avance qui s'approche et si je le pouvais, je ravalerais sans hésiter mes paroles.

– Dégage de là, Kirschstein, elle n'a pas le droit de recevoir de visite.

La voix froide et monotone du caporal Livaï me donne des frissons dans le dos. Jean déglutit difficilement et hoche frénétiquement la tête avant de ramasser ses affaires en deux temps trois mouvements et de décamper, m'abandonnant à mon sort. Le caporal Livaï apparaît dans mon champ de vision et prend appui sur la grille. Il me dévisage de son éternelle expression glaciale et antipathique. Est-ce qu'il a entendu ce que j'ai dit ? J'espère que non mais j'en doute fortement.

– Une semaine.

J'arque un sourcil et le dévisage, attendant qu'il me donne une explication, cependant il reste aussi muet qu'une tombe.

– Je vous demande pardon ?

– Le « caporal demi-portion » a décidé que tu resterais ici une semaine, explique-t-il.

Il mime des guillemets avec ses doigts en prononçant le surnom dont je l'ai affublé. Je lâche un sourire crispé tandis que mes joues deviennent aussi rouges qu'une tomate. Une bouffée de chaleur s'empare de moi et je rentre un peu plus ma tête dans mes épaules pour me faire toute petite.

– Cependant, poursuit-il, si je t'entends encore une fois m'appeler comme ça tu resteras ici un mois entier. Suis-je bien clair ?

Oups. Je déglutis difficilement et acquiesce rapidement, ignorant mon mal de tête. Je m'attends à ce qu'il ajoute quelque chose mais il se ravise et se détourne finalement pour repartir en direction de l'escalier. Non mais quel con.

Grâce au caporal demi-portion, je passe le reste de ma journée désespérément seule et frigorifiée. Malheureusement, le caporal a décidé que je devais sauter le dîner et donc personne n'est venu m'apporter à manger à midi. J'aurais tant aimé me reposer mais je n'ai pas réussi à dormir tant il fait froid dans ces foutus souterrains. Bon Dieu, ce gnome pourrait au moins avoir la décence de me donner une couverture !

Au soir, je n'ai droit qu'à une pauvre tranche de pain accompagnée d'un bol de soupe. Mon ventre crie toujours famine lorsque je termine mon repas mais je ne peux rien y faire. Fatiguée, affamée et congelée, je m'allonge sur mon lit de fortune et tente de m'endormir puisque je n'ai que ça à faire. Cependant, je n'y arrive pas. Le temps passe d'une lenteur extrême dans cette geôle. Il n'y a aucune fenêtre puisque je suis dans les souterrains, je n'ai donc aucune idée de l'heure qu'il est.

Habituée au silence des sous-sols, je sursaute lorsque j'entends des bruits de pas dans l'escalier et je prie intérieurement pour que ce ne soit pas le caporal Livaï. Je me roule en boule sur mon lit et fais semblant de dormir. Peut-être qu'il me laissera tranquille s'il pense que je dors, mais cette stratégie ne s'est pas avérée très fructueuse hier puisqu'il m'a littéralement jetée de mon lit. Les pas s'arrêtent devant la porte de ma cellule et je plisse les yeux, tentant de me convaincre moi-même que je dors. Je m'attendais à entendre le cliquetis de la serrure mais rien ne se passe, la personne reste derrière la porte et m'observe en silence.

– Pssst, chuchote finalement quelqu'un, Rose.

Je pousse un soupir de soulagement en reconnaissant la voix de Reiner et me redresse lentement pour ne pas brusquer mon corps.

– Reiner ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

Je me lève précautionneusement de mon lit et m'approche de la grille à l'aveuglette.

– Je suis venu t'apporter ça.

Mes mains cherchent à tâtons la grille et finissent par la trouver. Je sursaute en sentant quelque chose de doux et moelleux. Reiner me tend une couverture à travers les barreaux de la grille, ainsi que deux patates posées sur celle-ci.

– Jean nous a expliqué dans quelle situation tu te trouvais, je me suis dit que ça pourrait t'aider.

Mes mains rencontrent les siennes et il sursaute au contact de mes mains froides tandis que je profite de la chaleur qui émane des siennes. Je sens ma gorge se serrer et je me mords la lèvre pour ne pas exploser en larmes. Ma bouche devient pâteuse et je suis incapable de dire quoi que ce soit.

– Merci, parviens-je à murmurer faiblement.

A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant