Caleb est partit. Il m'a rapidement expliqué qu'un de ses anciens ennemis a refait surface et désire prendre sa place. Mais prendre sa place implique le tuer. Et ce même ennemi l'a menacé avec sa mère.
- Je vais sortir prendre l'air un peu. Prévenais-je la mère de Caleb.
Elle hoche la tête. Je prends soin de garder mon arme sur moi, avant de sortir. Mon chef m'a appelé plus tôt, mais répondre à l'intérieur de la maison est risqué. Je dois trouver un endroit où personne ne peut m'entendre.
Je marche sans savoir où aller, jusqu'à voir un immeuble à moitié rasé. Parfait. Personne n'oserait venir ici. Je monte rapidement les escaliers puis va sur le toit. Inconsciemment, je me mets à sourire en me rappelant de la dernière fois où j'étais sur le toit avec Caleb. Où l'on s'est posé les questions les plus folles ou les plus basiques qui puissent exister.
J'efface ce sourire pour me concentrer sur la réelle raison de ma venue. Je sors mon téléphone jetable et compose le numéro de mon chef. Je donne son nom de code, avant qu'il ne me parle.
- Maya, tu n'as pas appelé depuis un certain temps. Me dit-il. Toujours aucune nouvelle ?
Je lui parle alors du nouvel ennemi de Caleb.
- Mais je ne connais pas son nom. Concluais-je.
- Ce n'est rien. Je ferais mes recherches. Me dit-il. Tu as d'autres choses à rajouter, Maya ?
- Non, chef. Lui répondis-je.
Je m'attendais à ce qu'il raccroche, mais je l'entends soupirer avant de reprendre la parole :
- En fait, je t'ai appelé pour autre chose.
Je fronce les sourcils. Pour quel autre chose que la mission m'appellerait-il ?
- J'ai... trouvé quelques vidéos de tes parents, Maya. M'avoue-t-il. Je pensais à te les envoyer, mais ça pourrait perturber ta mission... je pourrais te les montrer dès que tu reviens.
Mon souffle se coupe à la notion de mes parents. Une vidéo d'eux ? Mon Dieu... quelque chose qui me permettrait d'entendre leur voix à nouveau... je sais que ça devrait être un moyen pour que je me force à rester en vie, un but qui me permettrait de finir la mission au plus vite, mais savoir qu'il existe une vidéo de mes parents m'empêche de réfléchir correctement.
Je veux les voir.
Je veux les entendre.
Je veux le peu de choses qu'on peut me donner d'eux.
Je veux mes parents.
- Je veux la vidéo. Soufflais-je.
Mon chef insiste, demandant si j'étais sûr, et je le suis. Rien ne me garantie que Caleb ne découvrira pas qui je suis, et qu'il me tuera. Je veux absolument les entendre avant ma mort. Absolument.
- ... D'accord. Cède-t-il. Je te les envoie.
Je hoche la tête puis raccroche en voyant des vidéos reçus sur le téléphone que m'a donné Caleb. Je range mon téléphone jetable et prend l'autre téléphone. Mes mains tremblent. Je sue du front. Mon Dieu... je n'ai plus qu'à cliquer sur un bouton et...
Et je l'ai fais. J'ai appuyé. Je remarque une chambre d'hôpital. Il n'y a personne en vue. Puis la caméra se dirige vers une femme avec un bébé dans les bras.
- Ça filme ?
- Oui, mon coeur. Dit mon père.
Mes mains se mettent à trembler. Leur voix. Je les entends. Mon Dieu.
- Regarde, Maya. Aujourd'hui, tu viens de naître. Dit mon père face à la caméra. C'est notre plus beau jour, ma fille. Ma première fille. Ma première joie.
- Approche la caméra, mon amour. Dit ma mère.
Mon père s'approche de la caméra et la bouge jusqu'au bébé.
- Regarde comme elle est mignonne. Dit ma mère doucement. Tu es mon ange, Maya.
Les entendre dire mon nom est un autre type de douleur. Ce nom résonne si bien dans leur bouche.
- Au moins, elle aura un souvenir de nous. Si jamais je meurs... Commence mon père.
Ma mère l'interrompt d'une tape sur la jambe.
- Ne dis pas ça. Tu ne mourras pas, qu'Allah te garde auprès de nous.
Les larmes que je retiens depuis tout à l'heure se mettent à couler. Mon cœur tremble de tristesse. Il avait raison. Si raison. J'aurais aimé qu'il ait tort, qu'il soit près de moi à cet instant présent, lui et ma mère. Je ne veux pas de souvenirs. Je les veux, en chair et en os.
- Dis quelque chose de jolie pour notre fille. Dit mon père.
- Maya, j'espère que l'on pourra être les parents dont tu rêvais. On t'a voulu et on t'a aimé, on est fier de toi, peu importe le chemin que tu as choisis de prendre. Me dit-elle. J'espère être pour toi une mère, mais aussi une meilleure amie. J'aimerais qu'au moindre problèmes, tu viennes me voir et que tu n'aies pas peur de ma réaction. Je veux te donner tout l'amour du monde, parce que tu le mérites, ma fille. Tu mérites d'être aimé.
Et mon père la regarde en souriant et amoureusement.
- Et moi, j'espère être ton modèle. La personne que tu regarderas avec admiration. Je serais ton papa, ton héros. Je te protégerai de tous les maux du monde. Je protégerai ton innocence, ton cœur et ton âme. Te voir grandir sera notre plus grand bonheur. Je t'aime, ma fille. On t'aime. Plus que tout au monde. Et même morts, on sera toujours à tes côtés. On t'aimera toujours.
La dernière phrase qu'il a dite était comme un murmure. Il l'a dite comme s'il en ressentait le besoin. Comme s'il savait qu'il allait partir et me laisser, comme s'il savait que j'aurais besoin d'entendre ces mots.
- Aymen, cours ! Maya est en train de marcher ! Crie ma mère en fixant la caméra.
Mon père arrive très rapidement et me regarde, le sourire aux lèvres. Je marchais et ils me félicitaient, aimant cette attention, je gigoteais partout en applaudissant et riant.
Je pose ma main sur ma poitrine, sentant mon coeur se déchirer de douleur. La douleur émotionnel est si forte qu'elle s'est transformée en douleur physique.
- Ba... ba... ma... ma...
- Elle l'a dit ! Elle a dit son premier mot ! S'écrie mon père.
Et les deux me prennent dans leur bras, me serrant contre eux et m'embrassant de partout.
Les jambes pliés, mon bras est sur mes genoux et je pose ma tête dessus. Puis je pleure. Mon Dieu, que je pleure. Mon cœur ne supporte plus cette peine. Ils étaient vivants. Ils souriaient. Ils riaient. Ils m'aimaient. Et ils m'ont été arrachés.
Je m'allonge sur le toit, tenant le téléphone contre ma poitrine.
- Mon Seigneur. Dis-je en sanglotant. Mon Seigneur, ramène-moi à eux ! Ils ne m'ont pas vu grandir, mon Seigneur !
Je savais qu'Allah m'entendait. Et je savais que même s'Il donnait le choix à mes parents de revenir, ils ne seraient pas revenus. Pas parce qu'ils ne m'aiment pas, mais parce qu'ils ont goûtés à un monde bien meilleur que le mien.
C'est pour cette raison qu'à l'âge de dix ans, j'ai arrêté de Lui demander de les ramener à la vie et j'ai commencé à Lui demander de prendre la mienne. Mais aujourd'hui, s'Il ne fait pas revenir mes parents à la vie, ou s'Il ne prend pas ma vie, je demande qu'une chose....
Que, pour une fois, je puisse rêver d'eux...