Chapitre 59

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NDA : Je préfère prévenir, ce chapitre peut heurter la sensibilité de certains. 


Vendredi 14 juin

9h30

La sonnette retentit dans mon appartement. Je séchais mes larmes rapidement avant d'aller ouvrir.

《 Bon matin ! Rit Ken. C'est bien comme ça qu'ils disent « bonjour » à Montréal ?

- Oui. Souriais-je.

Je t'ai réveillé ?

- Non ne t'inquiètes pas. Que me vaut cette visite du grand Nekfeu ? 》

Il passa sa main dans sa nuque, ce qui était chez lui un signe de gêne.

《 Je t'ai amené le petit-déjeuner, en ami. Répondit-il. Je suis sûr qu'ils n'ont pas de croissants là-bas. 》

Je le fis entrer.

《 Ils en ont mais ça ne vaut pas les croissants français. Expliquais-je.

Je fermais la porte et nous nous dirigeâmes vers la cuisine.

《 Café ? Lui demandais-je.

Café. 》

Je m'affairais à sortir une tasse avant de mettre en route son café.

《 Tu l'as gardée ? 》

Je me retournais et vis Ken, les yeux posés sur l'écran de mon ordinateur portable qui affichait la vidéo de notre soirée Just Dance.

《 Oui. Je viens de retomber dessus en triant les fichiers de mon téléphone. Dis-je nostalgique.

Nous restâmes quelques instants, les yeux dans les yeux avec pour seul fond sonore la cafetière en marche. Je repris mes esprits et partis chercher le café de Ken. Il me suivit dans la cuisine et s'assit sur l'un des tabourets du bar. Je lui tendis son café et il me remercia.

Son regard se posa sur mon poignet. Je m'empressais de retirer ma main de son champ de vision.

《 Mia, c'était quoi ça ? M'interrogea-t-il.

Je me mis à jouer nerveusement avec mes doigts, essayant de cacher mes avant-bras le plus possible. Pas facile avec un débardeur.

《 Mia ? Insista-t-il. Ce n'est pas ce que je pense tout de même ? Tu n'aurais pas fait ça ? 》

Je baissais la tête et une larme tomba sur le dessus de ma main avant de glisser jusque sur la table. Ken se leva et contourna le bar pour venir se placer face à moi. Il prit délicatement mon poignet et regarda la marque blanchâtre longue de quelques centimètres.

Les larmes lui montèrent aux yeux.

《 Tu n'as pas essayé de faire ça ? Murmura-t-il.

Sa voix tremblait. Il caressa délicatement ma cicatrice du bout des doigts.

《 Je n'allais pas bien. Répondis-je sèchement. C'est du passé. 》

Je retirais ma main brusquement et détournais le regard.

《 Il y a d'autres trucs que tu me caches ? Demanda-t-il.

Je ne répondis pas.

《 Mia ?

- Ça ne te regarde pas, on est plus ensemble. Et quand bien même, ça ne regarde que moi. Répondis-je sur la défensive.

Il s'éloigna et prit sa tête entre ses mains. Un instant passa sans qu'aucun de nous deux ne parle. Mon téléphone se mit à sonner. Je décrochais rapidement en voyant le nom de ma patronne s'afficher.

《 Ils viennent de me rappeler. Vous avez rendez-vous à midi et demi pour un déjeuner d'affaires. Je vous envoie l'adresse. Décrochez-moi ce contrat Evans.

- D'accord, bonne jour... 》

Elle avait raccroché.

Je reçus quelques secondes plus tard un message indiquant le lieu du rendez-vous.

《 Je vais devoir aller me préparer j'ai rendez-vous ce mi...

- Pas de soucis, j'allais y aller. À plus tard. 》

Il récupéra ses affaires et sortit en coup de vent, son café encore fumant sur le comptoir.

15h30

J'appelai ma patronne pour l'informer de la signature définitive du contrat tout en marchant en direction de chez Ken. Je devais lui parler avant de repartir et le plus tôt serait le mieux.

Je montais jusqu'à chez lui et toquais à la porte de son appartement. C'est Mo qui vint m'ouvrir. Il me fusilla du regard mais me fit tout de même entrer.

《 Ken ? L'appelais-je.

En arrivant dans le salon, je vis six paires d'yeux braqués sur moi. Je me figeais sur place et commençais à regretter cette envie soudaine de lui parler.

《 On peut parler s'il te plait ? Demandais-je la gorge sèche.

Il se leva et vint me rejoindre dans le couloir.

《 Je t'écoute.

- Tu voulais savoir ce qu'il y avait d'autre ?

- Viens. 》

Il attrapa une casquette et se dirigea vers la porte d'entrée. Je le suivis jusque dehors. Nous marchâmes en silence jusqu'au petit parc qu'il aimait tant. Arrivés sur le pont, nous nous installâmes tous les deux sur le rebord, les pieds dans le vide.

《 Je t'écoutes. Me dit-il simplement.

Attends, tu viens vraiment de laisser les gars seuls chez toi ? Et Elisa ?

- Les gars s'en remettront et Elisa travaille. Tu disais vouloir me parler ? 》

J'inspirais un grand coup et mon regard se perdit dans le petit ruisseau sous nos pieds.

《 Ce que tu as vu, ce n'est qu'une petite partie de l'histoire. Commençais-je. Quand je suis partie, j'ai laissé tous mes médicaments ici, à Paris. Je pensais que m'éloigner d'eux m'empêcherait de retomber dedans. J'avais tort. 》

Je ravalais mes larmes et continuais de fixer le vide. Ken ne m'interrompit pas.

《 En arrivant à Montréal, j'ai essayé de commencer une nouvelle vie mais la douleur m'a rattrapée. J'ai cédé et j'ai repris un cachet puis un autre et encore un autre. J'avais la sensation qu'ils n'étaient plus efficaces alors j'augmentais la dose à chaque prise jusqu'au moment fatal. J'ai passé trois mois à l'hôpital à me battre contre mon addiction. 》

Ma voix tremblait.

《 Quand je suis sortie, j'allais nettement mieux. J'ai été embauché par une maison d'édition qui s'appelle Canadian Books où j'ai rencontré Zia, ma meilleure amie. C'est elle qui aurait dû venir ici pour ce contrat. 》

J'éclatais en sanglots.

《 Tu as rechuté ? Demanda-t-il doucement.

Oui. Je croyais que j'étais guérie mais j'ai fait une rechute le jour de son anniversaire. J'ai passé une semaine à me morfondre au fond de mon lit jusqu'à vriller. Je me suis levée, j'ai pris un de ses sweat et une lame avant de retourner au fond de mon lit. J'ai serré le sweat de toutes mes forces et je me suis tranchée les poignets. 》

Je lui tendis mes deux avant-bras. Ma voix craqua.

《 Je voulais rejoindre mes petits anges. C'est Zia qui m'a trouvé. Elle m'a aidé à remonter la pente et depuis je n'ai plus jamais rechuté. Ça m'arrive encore d'avoir des baisses de moral mais ce n'est rien comparé à ce que j'ai vécu. 》

Je séchais mes larmes avec la manche de mon blazer. Un silence s'installa. Ken semblait perdu dans ses pensées. 

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