Jeux d'ombres

Chapitre 44

Lundi 8 juin 2015

16h

Je frappais dans le mannequin prévu à cet effet quand le morceau joué par mon enceinte se termina. La playlist lança un autre son aléatoire parmi les tendances du jour. Je bloquais soudainement mon crochet en entendant les premières notes.

« Risibles amours »

Nekfeu.

Je baissais lentement mon bras quand sa voix cessa de retentir dans la pièce et repris ma respiration. J'étais incapable de bouger. Entendre sa voix m'avait replongé dans mes souvenirs. Nos souvenirs.

Combien y avait-il de chances pour que je tombe sur l'un de ses morceaux ?

Une fois ma douche prise, je pris mon ordi et tapais son nom de scène dans le moteur de recherche. Beaucoup d'articles lui étaient consacrés pour la sortie de son premier album solo. Je pris mon téléphone et tapais de nouveau son nom. Son album apparut. J'hésitais quelques instants avant de brancher mes écouteurs et de lancer le premier morceau, « Martin Eden ».

Les morceaux s'enchaînèrent. Je tiquais sur certaines phrases mais réussis à me contenir.

« Princesse ». Une larme roula le long de ma joue en lisant le titre. Au cours de mon écoute, j'eus l'impression de revivre certains moments de notre passé. Il avait même été jusqu'à garder certaines phrases telles qu'elles avaient été dites.

Le morceau se termina. J'étais bouleversée de revivre notre histoire à travers ces quelques minutes de musique. Je dus mettre l'album en pause quelques instants pour me remettre de mes émotions.

Je passais à la piste suivante et découvris l'une de celles qu'il m'avait déjà faite écouter. « Risibles Amours ». Il avait donc réussi à terminer son texte.

Je découvrais le troisième couplet, les larmes ruisselant sur mes joues.

Et chaque fois que ça compte, je n'arrive pas à être moi-même

D'où vient ce besoin de vouloir tout cacher ?

Aucune fille ne compte, et puis je t'ai rencontré, toi

T'étais différente, ça m'a fait peur, j'ai tout gâché.

Touchée en plein cœur.

Le moment de silence qui suivit ce morceau semblait être fait pour me remettre de mes émotions. Une instru commença, je ne la reconnus pas. Ken avait sûrement dut l'écrire après mon départ.

Les paroles commencèrent et j'explosais en sanglots. Je jetais un coup d'œil à mon majeur et admirais les trois petites planètes et la lune tatouées. Eyaelle.

J'avais raconté l'histoire de ma sœur à Ken et il en avait fait un morceau. J'étais émue tant l'hommage était magnifique.

Le dernier morceau commença. J'avais réussi à sécher mes larmes un court instant. Le refrain commença et tous mes efforts furent de nouveau réduits à néants.

Please forgive me
While we're apart
I'm doing all of this for you
Keep holding on make it through
And now that we have come this far
What's written never change the truth
The only thing I need is you.

Je compris que ce message m'était adressé directement. Il l'avait fait chanter en anglais, ma seconde langue natale. Cela ne pouvait pas être un hasard.

La fin du morceau marquait également la fin de l'album.

Je quittais l'application et appelais Gaby directement.

Je reniflais, incapable de parler.

《 Je me trompe si je dis que tu viens d'écouter son album ? Demanda-t-il.

- Non. 》

Ma voix se brisa.

Il passa plusieurs heures à essayer de me réconforter à travers le combiné. Il était trop loin pour me prendre dans ses bras. J'étais à Londres et lui à Paris.

Après avoir passé plusieurs jours chez mon parrain, j'avais décidé de rester en Angleterre, près de ma famille. J'avais donc acheté un loft dans le centre-ville. Il était un peu plus petit qu'à Paris mais cela m'importait peu. Je n'étais pas retourné à Paris depuis plusieurs mois, cette ville me rappelait trop de souvenir.

J'avais réussi à atténuer la douleur que provoquait ma séparation avec Ken en me reconcentrant sur la boxe. J'avais décidé de tenter une nouvelle fois ma chance au championnat d'Europe. L'étape d'après serait le championnat du monde. Mon parrain m'avait aidé à me préparer pendant des mois pour ces événements. Je me devais de gagner. Pour lui et pour moi. J'en avais besoin pour me prouver que je pouvais vaincre cette part d'ombre en moi.

Vendredi 12 juin

17h

Je bouclais ma valise. Non pas pour fuir cette fois-ci mais pour revenir. J'avais un championnat à gagner.

20h30

《 Gaby je te jure que si tu as abimé ma voiture je te démonte. Menaçais-je mon petit frère sur le parking. PUTAIN GABY MA VOITURE ! Hurlais-je en voyant une griffe longue comme le bras sur l'aile droite.

- Ça va, ce n'est rien. Ce n'est qu'une petite griffe. 》

Il se gratta l'arrière de la tête.

《 PARDON ? M'exclamais-je. Donne-moi les clés. GABRIEL EVANS DONNE-MOI MES CLÉS ! Plus jamais je ne te laisse ma voiture. 》

Je pris place du côté conducteur et partis en direction de mon appartement énervée après mon frère et stressée pour ma compétition du lendemain.