- Chapitre 14 -

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Mais leur guide ne les laissa pas choisir leur itinéraire : elle s'engouffra dans l'avenue de gauche, et ils furent obligés de la suivre pour ne pas se perdre. Tandis qu'ils marchaient, ils purent découvrir les produits vendus par chacun des exposants. Si certains objets, comme des instruments de musique ou des costumes de théâtre, leur paraissaient tout à fait innocents, d'autres attisaient leur méfiance. La tutrice leur traduisait de temps en temps les écriteaux, et prenait un plaisir cruel à ne sélectionner que les articles les plus dangereux. Ils passèrent ainsi à côté de figurines de combattants fantasy soi-disant capables de se battre et d'assommer leur adversaire — ils n'avaient pas envie de le vérifier —, d'armes diverses et variées, de bijoux à l'éclat sinistre, tachés de sang, et d'une caisse remplie de poupées vaudou. Malgré la beauté des œuvres qu'ils découvraient, s'ils avaient pu s'orienter sans Johanna, ils auraient quitté ces halles depuis longtemps.

« Tu nous as emmenés où, au fait ? demanda Valentin, partagé entre la curiosité et l'inquiétude.

— Dans le plus gros marché clandestin de l'Artivers. »

L'adolescent s'indigna autant que son enthousiasme coupable le lui permettait.

« Mais c'est illégal  ! On te l'a dit, en plus ! À quoi ça sert qu'on se force à ne pas rentrer sur Terre si au final tu nous entraînes dans des endroits pareils ?

— Le Sénat surveille pas mal la frontière entre l'Artivers et la Terre, au cas où des non-Artistes trouveraient le moyen d'entrer. Normalement, il surveille aussi les œuvres dangereuses qui passent la frontière, mais vous avez bien vu avec Inalén qu'il ne filtre pas tout. Enfin, si vous forcez le passage entre les deux dimensions, il le verra. Cependant, à travers l'Artivers lui-même, il y a beaucoup trop de fractions pour qu'il détecte chaque passage, et chaque infraction. »

Ses protégés la regardèrent comme si elle avait perdu la tête. Elle reprit :

« On cherche des pass pour récupérer des informations auxquelles seuls l'école huit et le Sénat peuvent accéder. Vous pensez que ça se vend légalement, dans toutes les boutiques de l'Artivers ? Désolée de briser vos rêves, mais non. Ici, on vend des outils normaux à bas prix, et divers artefacts que le Sénat n'apprécie pas trop.

— Comme des putain de soldats tueurs. »

La guide leva les yeux au ciel.

« On vous l'a dit, l'art lui-même ne tue personne. Ses conséquences peuvent provoquer la mort, d'accord, mais il faut des circonstances propices à cela. »

À ces mots, un certain soulagement envahit Manon. Ses nouvelles n'en faisaient pas totalement une meurtrière.

« Je sais qu'on vous a aussi dit que l'art pouvait rendre fou, mais franchement... il faudrait être très fort pour cela. Peu de gens en seraient capables, et souvent, ceux qui deviennent fous ne le sont que parce qu'ils se plongent trop dans l'art. Donc non, n'importe qui ne peut pas vous briser les os grâce à un dessin. Et comme on vous l'a déjà dit, vous ne serez pas assez longtemps dans l'Artivers pour perdre la tête.

— C'est rassurant.

 — Je ne comprends pas, intervint l'auteure. Un endroit aussi dangereux pour le Sénat doit être la cible de ses recherches, non ? Comment cela se fait-il qu'il ne le trouve pas, alors que nous y entrons sans problème ?

— Je connais un de ses fondateurs — enfin, plutôt un des avatars qui le représentent —, et il m'a laissé vous faire entrer, c'est tout. Sinon, croyez-moi, cette fraction est vraiment bien cachée et protégée. Impossible de tomber dessus sans l'autorisation des dirigeants. Enfin, nous voilà arrivés. »

Artistes 1 - Le masque mimétiqueOnde histórias criam vida. Descubra agora