- Chapitre 22 -

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	« Journal de bord, 30 octobre 2018

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« Journal de bord, 30 octobre 2018.

On m'a toujours dit que rester trop longtemps dans l'Artivers rendait fou, mais je vais bien. Pourtant, j'y suis enfermé depuis cinq jours. Du moins, je crois. Je ne me souviens pas d'avoir modifié l'écoulement du temps dans la Forêt perdue, mais mes derniers écrits à propos de cet univers remontent à si longtemps... ma mémoire me joue des tours, et m'empêche d'adapter ce monde à ma survie.

Ainsi, je le plie autant que possible à ma volonté, et me maudis de l'avoir conçu si infernal. Je n'arrive pas à le quitter : j'ai beau essayer, je suis incapable d'ouvrir un portail. J'ai l'impression que la jungle m'empêche de l'abandonner à nouveau ; je ne pensais pas qu'une œuvre pouvait devenir aussi puissante. J'ai investi le camp de fortune que mon héros avait établi, mais, comme je m'y attendais, la nourriture qu'il stockait n'a aucun effet sur moi. Heureusement, j'avais pensé à emporter des provisions, au cas où le sauvetage des pupilles d'Inalén se prolongerait. Mais je dois me rationner : je suis affamé alors je produis autant d'énergie créatrice que possible.

Il me semble en effet possible qu'elle me permette également de survivre. Mais je ne peux pas uniquement me reposer sur cette source d'énergie, ainsi je suis épuisé, et je ne pourrai pas tenir beaucoup plus longtemps. Il me semble cependant qu'il n'est pas possible de mourir dans l'Artivers, ce qui forme un paradoxe inquiétant. Si l'art ne me tue pas, mais qu'il ne me permet pas non plus de survivre, que vais-je devenir ?

Jaska Leminen »

L'auteur posa son stylo sur son bureau, et s'écroula aussitôt : une fraction de seconde sans production artistique, et son corps lui semblait lourd comme du plomb. Il pouvait à peine bouger, et ses yeux se fermaient tous seuls. Non, reste éveillé, s'ordonna-t-il. La journée vient tout juste de commencer, ce n'est pas le moment de dormir. Il se redressa lentement, et saisit d'une main tremblante son téléphone, au coin de sa surface de travail. Il fixa la pince qui pendait de l'appareil à sa feuille, et, grâce à ses dernières forces, se concentra afin de créer un flux d'énergie créatrice entre l'œuvre et l'objet. Au bout de quelques instants, son écran s'alluma. Jaska soupira de soulagement : quiconque se trouvait dans la même fraction que lui pouvait désormais le joindre. Il se sentait cependant incapable de permettre une communication avec l'extérieur de la Forêt perdue. Ses chances d'être contacté en étaient diminuées, à son grand désespoir.

Pour s'extirper de sa torpeur, il se força à se lever et à marcher autour de sa tente, qu'il avait créée aussi sophistiquée que possible, sans pour autant sombrer dans l'incohérence. L'univers dans lequel il s'efforçait de survivre avait déjà suffisamment de défauts, et en rajouter ne ferait que drainer l'auteur. Celui-ci jetait des regards méfiants aux alentours : il n'était pas sûr d'avoir repoussé toutes les bêtes sauvages de la jungle grâce à la magie. Qui sait ce qu'il avait pu planifier avant d'écrire, puis oublier en passant à un nouveau projet ?

Artistes 1 - Le masque mimétiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant