- Prologue -

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Conformément aux paroles si enflammées du Sénat, l'art influençait l'existence d'Inalén

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Conformément aux paroles si enflammées du Sénat, l'art influençait l'existence d'Inalén. En mal.

Sa tête s'écrasa entre ses bras, tandis qu'elle se rappelait les événements de l'après-midi. Elle était sûre d'avoir tout prévu, et pourtant... une autre Cape carmin avait dérobé son Artiste potentiel, sous ses yeux fatigués. Une nouvelle opportunité lui filait entre les doigts, et ses chances de reprendre son ancienne vie reculaient. Elle se retrouvait dos au mur.

Allez, ressaisis-toi, se réprimanda-t-elle. Tes lamentations ne te rapporteront rien.

D'un geste mou, elle drapa sa cape sur ses épaules, avant de l'attacher par une agrafe d'or salie — par la poussière comme par le temps —, gravée des contours du continent européen. Elle arrangea ses cheveux noirs, striés de mèches blanches, et sa chemise immaculée, dont elle avait peiné à payer la lessive. Elle attrapa son sac à main de cuir abîmé, puis glissa son téléphone bon marché et son enceinte sans-fil dans les poches de sa veste de costume froissée. Quand elle se jugea décente, à hauteur de ses moyens du moins, elle quitta son studio d'entraînement.

Elle déboucha sur l'école des arts de la scène de l'Artivers, une salle de concert géante. Elle tenta de l'ignorer tandis qu'elle traversait ses gradins semi-circulaires, mais ne put s'empêcher de ressentir une pointe d'amertume à son égard. Alors que ses épaules s'effondraient sous les problèmes, les planches du bâtiment supportaient toujours les spectacles quotidiens. Alors que son avenir s'assombrissait, les projecteurs continuaient d'éclairer celui des autres Artistes. Alors qu'elle se murait dans le silence, la communauté des danseurs et comédiens tonnait, rayonnait, brûlait de vie. La jeune femme savait que son ressentiment n'avait pas lieu d'être, mais elle n'arrivait pas à l'effacer... ou peut-être avait-elle cessé d'essayer. Ces derniers temps, tant d'ennuis l'avaient submergée que sa mémoire avait dû les trier. Elle avait l'impression de ne plus pouvoir maîtriser celle-ci.

Elle sortit de l'école, sans même se retourner vers les affiches placardées sur la façade, et s'engagea sur l'avenue pavée qui s'étalait devant elle. Pas un regard non plus pour les édifices dédiés aux autres arts : tant de faste n'aurait fait que la démoraliser davantage. Son attention se porta plutôt sur les visages des nombreux Artistes qui marchaient aux alentours. Bien que sa cape soit un attribut obligatoire, là où elle se rendait, elle devait à tout prix éviter qu'on la reconnaisse vêtue de l'étoffe rouge.

En quelques pas peu convaincus, elle arriva devant son ancien foyer, qui désormais la rejetait comme une traîtresse. Pendant un instant, elle inspecta la paroi de la sphère géante, peinte d'une carte du monde. Entre les milliers de lumières qui la mouchetaient, ni caméras ni espions ne l'épiaient. Parfait. Elle rabattit un pan de tissu sur sa bouche, et s'infiltra dans le trou au beau milieu de l'océan Pacifique qui servait d'entrée au bâtiment.

Tapie dans l'ombre de la galerie circulaire qui le longeait, elle détailla les alentours du regard : personne ne l'avait remarquée. Ses épaules se détendirent, et elle leva la tête vers l'immense pilier cylindrique, doté d'un écran en rotation constante, en son centre. Lorsqu'elle eut fini d'inspecter le planisphère affiché, elle soupira : partout, des lumières écarlates brillaient. Tous les Artistes potentiels qui ignoraient l'existence de leurs pouvoirs, et n'allaient pas tarder à les voir se manifester, avaient déjà été contactés par d'autres Capes carmin. La jeune femme pesta : ses collègues faisaient son travail à sa place, au moment où elle en avait le plus besoin !

Artistes 1 - Le masque mimétiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant